Le 29 brumaire an II — 19 novembre 1793, ancien style —, après la mort sur l’échafaud de Marie-Antoinette le 16 octobre, d’Olympe de Gouges et de madame Roland les 3 et 8 novembre, la Gazette nationale, ou le Moniteur universel reprend un texte publié dans la Feuille de Salut public, organe officieux du gouvernement révolutionnaire. De ces trois exécutions féminines, l’auteur fait une leçon donnée à toutes les femmes qui négligent les « vertus de [leur] sexe » avant d’exhorter les « républicaines » à être « simples dans [leur] mise », « laborieuses dans [leur] ménage » et silencieuses dans les réunions publiques, mais glorieuses de la gloire des hommes.
Aux républicaines,
En peu de temps le tribunal révolutionnaire vient de donner aux femmes un grand exemple, qui ne sera pas sans doute perdu pour elles ; car la justice, toujours impartiale, place sans cesse la leçon à côté de la sévérité.
Marie-Antoinette, élevée dans une cour perfide et ambitieuse, apporta en France les vices de sa famille ; elle sacrifia son époux, ses enfants, et le pays qui l’avait adoptée, aux vues ambitieuses de la maison d’Autriche, dont elle servait les projets en disposant du sang, de l’argent du peuple, et des secrets du gouvernement : elle fut mauvaise mère, épouse débauchée, et elle est morte chargée des imprécations de ceux dont elle avait voulu consommer la ruine. Son nom sera à jamais en horreur à la postérité.
Olympe de Gouges, née avec une imagination exaltée, prit son délire pour une inspiration de la nature. Elle commença par déraisonner, et finit par adopter le projet des perfides qui voulaient diviser la France : elle voulut être homme d’État, et il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe.
La femme Roland, bel esprit à grands projets, philosophe à petits billets, reine d’un moment, entourée d’écrivains mercenaires à qui elle donnait des soupers, distribuant des faveurs, des places et de l’argent, fut un monstre sous tous les rapports. Sa contenance dédaigneuse envers le peuple et les juges choisis par lui ; l’opiniâtreté orgueilleuse de ses réponses, sa gaieté ironique, et cette fermeté dont elle faisait parade dans son trajet du Palais de Justice à la place de la Révolution, prouvent qu’aucun souvenir douloureux ne l’occupait. Cependant elle était mère, mais elle avait sacrifié la nature, en voulant s’élever au-dessus d’elle : le désir d’être savante la conduisit à l’oubli des vertus de son sexe, et cet oubli, toujours dangereux, finit par la faire périr sur un échafaud.
Femmes ! voulez-vous être républicaines ? aimez, suivez et enseignez les lois qui rappellent vos époux, vos enfants à l’exercice de leurs droits ; soyez glorieuses des actions éclatantes qu’ils pourront compter en faveur de la patrie, parce qu’elles témoignent en votre faveur ; soyez simples dans votre mise, laborieuses dans votre ménage ; ne suivez jamais les assemblées populaires avec le désir d’y parler, mais que votre présence y encourage quelquefois vos enfants : alors la patrie vous bénira, parce que vous aurez réellement fait pour elle ce qu’elle doit attendre de vous. (Tiré de la feuille de Salut public.)
Réimpression de l’ancien Moniteur, seule histoire authentique et inaltérée de la Révolution française depuis la réunion des États-généraux jusqu’au Consulat (mai 1789-novembre 1799), tome dix-huitième, Paris, Plon, 1860, p. 450.
N.B. : le 29 brumaire an II correspond au 19 novembre 1793, non pas au 17, comme indiqué p. 449 ; le numéro précédent date du 18, le suivant du 20.
« Madame Roland quittant la Conciergerie », Révolution française. Album du centenaire 1789, Paris, 1889, p. 125.
GALLICA – BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE
The Conciergerie in 1793. Prison where Madame Roland passed the last eight days of her captivity, and from which she went to the guillotine. Pont au Change in the foreground.
Madame Roland at the Conciergerie. From a painting by Jules Goupil, now in the museum of Amboise.
Ida Tarbell, Madame Roland: A Biographical Study, New York, 1896.