2 avril 1917. — « Faire du monde un lieu sûr pour la démocratie » : discours du président Wilson devant le Congrès des États-Unis

Élu le 5 novembre 1912 et entré en fonction le 4 mars 1913, le président Wilson proclame la neutralité des États-Unis le 4 août 1914 et invite ses concitoyens à la respecter strictement dans un message du 18. Réélu le 7 novembre 1916 contre le candidat républicain Charles Evans Hughes, il adresse une note de paix à tous les belligérants le 18 décembre et leur demande de lui indiquer leurs buts de guerre. Le 22 janvier 1917, il expose devant le Sénat sa conception d’une « paix sans victoire ». C’est la reprise de la guerre sous-marine allemande, le 1er février 1917, qui décide les États-Unis à s’engager dans le conflit. Dans son discours, le président Wilson dénonce en outre les menées allemandes au Mexique, salue la révolution qui rend la Russie à la démocratie et résume sa doctrine dans la formule suivante : « The world must be made safe for democracy. »


Messieurs les Membres du Congrès,

J’ai convoqué le Congrès en session extraordinaire, car il y a des décisions politiques graves, très graves, à prendre, et à prendre tout de suite, et parce qu’il n’est ni juste ni constitutionnel que ce soit moi qui en assume la responsabilité.

Le 3 février dernier, je vous ai communiqué officiellement l’extraordinaire déclaration du gouvernement impérial allemand établissant que, à dater du 1er février, il avait l’intention de mépriser toutes considérations de légalité ou d’humanité et de se servir de ses sous-marins pour couler tout navire qui tenterait de s’approcher soit des ports de l’Angleterre ou de l’Irlande, soit des côtes occidentales de l’Europe, soit des ports contrôlés par des ennemis de l’Allemagne dans la Méditerranée. Tel avait déjà semblé être le but de la guerre sous-marine de l’Allemagne aux premiers temps de la guerre, mais depuis le mois d’avril de l’année dernière, le gouvernement impérial avait imposé quelques restrictions aux commandants de sa flotte sous-marine, conformément aux promesses qui à cette époque nous furent faites que les paquebots transportant des passagers ne seraient pas coulés, qu’un avertissement formel serait donné à tous les autres navires attaqués par les sous-marins lorsque ces navires n’opposeraient pas de résistance et ne chercheraient pas à s’échapper, que, de plus, on laisserait pour le moins aux équipages la chance de sauver leur existence en se servant de leurs canots.

Les précautions prises furent bien faibles, comme le prouvèrent des exemples douloureux, survenus coup sur coup au cours d’agissements cruels et inhumains. Toutefois, certaines restrictions étaient observées.

La nouvelle politique adoptée les a toutes supprimées. Tous les navires, quels que fussent leur pavillon, leur nature, leur cargaison, leur destination, ont été envoyés au fond sans pitié, sans avoir reçu aucun avertissement et sans une pensée de secours ou de compassion pour ceux qui se trouvaient à bord de ces vaisseaux, qu’ils fussent des neutres amis ou des belligérants. Bien plus, les navires-hôpitaux et les navires portant des secours aux populations si éprouvées de la Belgique (bien que ces derniers eussent reçu des sauf-conduits du gouvernement allemand lui-même pour traverser les eaux interdites et portassent des marques d’identité non équivoques) ont été coulés avec la même insouciance et la même absence de pitié.

Pendant quelque temps je crus impossible que de pareils actes fussent accomplis par aucun gouvernement s’étant jusque-là conformé aux coutumes d’humanité en usage dans les nations civilisées. Le droit international a son origine dans les efforts faits pour créer une règle qui fût observée et respectée sur la surface des mers où aucun pays n’a droit de domination et où s’étendent les routes ouvertes du monde. Ces lois ont été édifiées peu à peu et avec peine. Après tous les efforts possibles, les résultats ont encore été modestes, certes, mais tout ce qui a été accompli l’a toujours été avec le sentiment bien net de ce que le cœur et la conscience de l’humanité réclamaient.

Ce minimum de droits a été délibérément rejeté par le gouvernement allemand sous prétexte de représailles et de nécessité, parce qu’il n’avait pas sur mer d’autres armes à sa disposition. Or, il est impossible de les employer comme le fait le gouvernement allemand sans jeter au vent tous les scrupules d’humanité, sans fouler au pied des traités qui étaient regardés comme la base des relations internationales.

Je ne pense pas en ce moment aux pertes matérielles bien qu’elles soient immenses et graves, mais seulement à la destruction effrénée et systématique des vies de non-combattants, hommes, femmes et enfants, n’accomplissant rien qui, même dans les plus sombres périodes de l’histoire moderne, n’ait été jugé inoffensif et légitime.

Les biens perdus peuvent être payés, mais non pas les existences d’êtres pacifiques et sans reproche.

La guerre sous-marine de l’Allemagne contre le commerce est une guerre contre l’humanité ; c’est une guerre contre toutes les nations. Des navires américains ont été coulés, des vies américaines ont été perdues dans des circonstances qui nous ont profondément remués, mais les navires et les citoyens d’autres nations neutres et amies ont été coulés et précipités dans les flots de la même façon. Il n’y a eu aucune distinction. Le défi a été lancé à toute l’humanité. Chaque nation doit décider pour elle-même comment elle va le relever. En ce qui nous concerne, notre choix doit être fait avec une modération réfléchie et un sang-froid qui conviennent à notre caractère et à nos dispositions nationales. Nous devons bannir toute passion.

Nos mobiles ne seront pas la vengeance ou le désir d’affirmer victorieusement notre puissance matérielle, mais seulement la revendication du droit, du droit de l’humanité dont nous ne sommes qu’un des champions.

Lorsque je me suis adressé au Congrès, le 26 février dernier, je pensais qu’il suffirait d’affirmer en nous armant nos droits de nation neutre, le droit que nous avons de circuler sur les mers en dépit des entraves illégales, notre droit d’assurer la sécurité de nos concitoyens contre des violences illégales. Mais il apparaît maintenant que la neutralité armée est pratiquement impossible. En fait, les sous-marins échappent à toute loi, lorsqu’ils sont utilisés comme l’ont été les sous-marins allemands contre des navires de commerce ; il est, en effet, impossible de protéger des navires contre leurs attaques par les méthodes de défense que le droit international permet aux navires marchands contre les corsaires, les croiseurs ou autres bâtiments visibles qui leur donnent la chasse en pleine mer.

Dans ces conditions, c’est la prudence élémentaire, c’est la triste nécessité qui commandent de détruire, si l’on peut, les sous-marins avant qu’ils aient manifesté leurs intentions. Il faut agir dès qu’ils se montrent, si on veut agir.

Le gouvernement allemand refuse aux neutres le droit, dans les zones maritimes qu’il a fixées, de se servir d’aucune espèce d’arme, même pour la défense de droits qu’aucune autorité dans les temps modernes n’a jamais contestés. On donne à entendre que les détachements armés que nous avons embarqués sur nos navires marchands seront considérés comme hors la loi et traités en pirates.

En ce cas, le moins qu’on puisse dire de la neutralité armée c’est qu’elle est inefficace ; dans de pareilles circonstances et en présence de pareilles prétentions, elle est pire qu’inefficace ; elle est destinée à produire précisément l’effet qu’on avait l’intention de prévenir ; elle nous entraînera sûrement dans la guerre sans nous conférer les droits ou les pouvoirs des belligérants.

Il est un choix que nous ne pouvons pas faire, que nous nous refusons à faire : nous ne voulons pas choisir la voie de la soumission et permettre que les droits les plus sacrés de notre nation et de notre peuple soient ignorés ou violés. Les griefs contre lesquels nous entrons en lutte à notre tour ne sont pas des griefs ordinaires : ils atteignent la vie humaine jusqu’à ses racines.

Conscient du caractère solennel et même tragique de la démarche que j’accomplis et des graves responsabilités qu’elle implique, mais obéissant sans hésiter à ce que je considère comme mon devoir constitutionnel, j’engage le Congrès à déclarer que l’action récente du gouvernement impérial allemand n’est en fait rien moins que la guerre contre le gouvernement et le peuple des États-Unis. Je l’engage à accepter formellement l’état de guerre qui lui a ainsi été imposé et à prendre des mesures immédiates, non seulement pour mettre plus complètement le pays en état de défense, mais aussi pour qu’il exerce toute sa puissance et emploie toutes ses ressources afin de réduire le gouvernement de l’Empire allemand et de terminer la guerre.

Les conséquences de cette politique sont claires. Nous aurons à collaborer de la manière la plus étroite possible, dans les délibérations et l’action, avec les gouvernements actuellement en guerre avec l’Allemagne, et en particulier nous aurons à consentir à ces gouvernements les crédits financiers les plus étendus, afin que nos ressources puissent dans la plus large mesure s’ajouter aux leurs.

Cette politique entraînera l’organisation et la mobilisation de toutes les ressources matérielles du pays, afin de fournir du matériel de guerre et de pourvoir à tous les besoins de la nation de la façon la plus abondante, mais aussi la plus économique et la plus efficace.

Elle entraînera l’armement immédiat et complet de la marine, qu’on munira de tout le nécessaire, mais particulièrement des meilleurs moyens de combattre les sous-marins.

Elle entraînera une augmentation immédiate des forces armées des États-Unis qui sont prévues par la loi en cas de guerre, augmentation de 500 000 hommes au moins, qui, à mon avis, devraient être choisis d’après le principe du service militaire obligatoire ; et l’autorisation devra être accordée d’augmenter l’armée dans les mêmes proportions chaque fois que le besoin pourra s’en faire sentir et qu’on sera en mesure d’instruire les troupes.

Elle entraînera aussi, naturellement, le vote de crédits suffisants, couverts, je l’espère, dans la mesure où la charge peut en incomber équitablement à la génération présente, par un système d’impôts bien conçu. Je dis qu’ils seront cou- verts par des impôts, dans une mesure équitable, parce qu’il serait extrêmement imprudent à mon sens de demander entièrement à l’emprunt les crédits qui vont être nécessaires.

Il est de notre devoir, — je demande la permission d’insister sur ce point —, d’épargner autant que possible à notre peuple les dures misères que produirait l’exagération du système des vastes emprunts.

En prenant les mesures nécessaires pour atteindre le but poursuivi, nous ne devrons jamais oublier qu’il est sage de ne contrecarrer que le moins possible, dans la préparation et l’équipement de nos forces militaires, l’obligation essentielle que nous avons de fournir aux nations déjà en guerre avec l’Allemagne le matériel qu’elles ne peuvent obtenir que de nous ou par notre concours. Elles sont déjà dans l’arène et nous devons les aider par tous les moyens à y faire besogne efficace.

Par l’intermédiaire des différents départements exécutifs de ce gouvernement, je prendrai la liberté de soumettre à vos commissions des mesures appropriées aux différents projets que j’ai mentionnés. J’espère que vous voudrez bien considérer ces mesures comme élaborées très soigneusement par les services compétents du gouvernement auxquels incombe la responsabilité de conduire la guerre et de défendre le pays.

Au moment où nous prenons ces décisions, si pleines de conséquences, tâchons de voir clairement et expliquons clairement au monde entier quels sont nos mobiles et nos buts. Ma propre pensée n’a pas été détournée de son cours habituel et normal par les événements malheureux des deux derniers mois et je ne crois pas que la pensée de la nation ait été changée ou obscurcie par ces événements.

J’ai aujourd’hui exactement la même préoccupation que quand j’ai parlé au Sénat le 22 janvier ; la même que quand j’ai parlé au Congrès le 3 février et le 26 février.

Notre objet aujourd’hui comme alors est de défendre les principes de paix et de justice dans la vie du monde contre les puissances égoïstes et autocratiques, et d’établir parmi les peuples vraiment libres et autonomes une unité de tendances et d’action qui assure désormais le respect de ces principes.

La neutralité n’est plus possible ou désirable, quand il y va de la paix du monde et de la liberté des peuples. Or la menace contre cette paix et cette liberté réside dans l’existence de gouvernements autocratiques qui s’appuient sur une force organisée, dont ils disposent selon leur caprice et non selon la volonté du peuple. Dans de telles conditions il ne peut plus être question de neutralité.

Nous sommes au commencement d’un âge où il faudra que les nations et leurs gouvernements observent les mêmes principes de conduite et de responsabilité pour le mal commis que ceux qui ont cours parmi les simples particuliers des nations civilisées.

Nous n’avons aucune querelle avec le peuple allemand. Nous n’avons à son égard que des sentiments de sympathie et d’amitié. Ce ne fut pas à son instigation que le gouvernement allemand entra en guerre. Ce fut à son insu et sans son approbation.

Cette guerre a été décidée comme les guerres avaient coutume de l’être autrefois, dans les temps malheureux où les peuples n’étaient jamais consultés par leurs maîtres et où les guerres étaient provoquées et soutenues dans l’intérêt de dynasties ou de petits groupes d’ambitieux qui avaient l’habitude de se servir de leurs semblables comme d’instruments et d’enjeux.

Des nations qui se gouvernent elles-mêmes ne remplissent pas d’espions les États voisins et n’entreprennent pas des intrigues pour amener les affaires au point critique qui leur donnera une occasion de guerre et de conquête. De telles machinations ne peuvent réussir que là où tout se fait dans l’ombre et où nul n’a jamais le droit de poser des questions.

Des plans de tromperie et d’agression astucieusement combinés et poursuivis peut-être pendant plusieurs générations, ne peuvent être menés à bien et tenus loin de la lumière que dans le secret des cours. Ils supposent la stricte discrétion d’une classe restreinte et privilégiée. Ils sont heureusement impossibles là où l’opinion publique commande et réclame des informations complètes sur toutes les affaires de la nation.

Un accord stable sur la paix ne peut être maintenu que par une société de nations démocratiques. On ne saurait compter sur un gouvernement autocratique pour y demeurer fidèle ou en observer les conventions. Cette société doit être une ligue d’honneur et une association d’opinions. L’intrigue en rongerait les organes vitaux ; les menées secrètes de coteries, qui pourraient machiner ce qu’elles voudraient sans rendre de comptes à personne créeraient un ferment de corruption au cœur même de cette ligue. Seuls des peuples libres peuvent attacher leur dessein et leur honneur à une fin commune et préférer les intérêts de l’humanité à un intérêt mesquin particulier.

Est-ce que tout Américain ne sent pas que notre espoir en la paix future a été renforcé par les événements merveilleux et réconfortants qui se sont passés en Russie ces dernières semaines ?

La Russie, pour ceux qui la connaissent le mieux, a toujours été profondément démocratique dans toute sa manière de penser, dans les coutumes journalières de ses habitants, manifestations de leur instinct réel et de leur attitude à l’égard de la vie.

L’autocratie qui couronnait le sommet de son édifice politique, si longtemps qu’elle se soit maintenue et si terrible que fût en réalité sa puissance, n’était pas, en fait, russe dans son origine, son caractère ou ses tendances ; et maintenant elle a été abattue et le grand et généreux peuple russe s’est joint dans toute sa majesté et avec toute sa puissance natives aux forces qui combattent pour la liberté dans le monde, pour la justice et pour la paix. Voici un digne associé pour une ligue d’honneur.

L’un des faits qui ont contribué à nous convaincre que l’autocratisme prussien n’était pas et ne pourrait jamais être notre ami, c’est que, dès le début de la guerre actuelle, il a rempli d’espions nos confiantes cités et même les services de notre gouvernement, il a ourdi partout des intrigues criminelles contre notre unité nationale, contre notre paix, à l’intérieur comme à l’extérieur, contre nos industries et notre commerce. Bien plus, il est maintenant évident que ces espions étaient ici avant même le début de la guerre, et il est malheureusement indiscutable et prouvé devant nos cours de justice que les intrigues qui, plus d’une fois, ont bien failli troubler la paix et semer la perturbation dans les industries du pays, ont été machinées à l’instigation, avec l’appui et même sous la direction personnelle d’agents officiels du gouvernement impérial allemand accrédités auprès du gouvernement des États-Unis.

Alors même que nous réprimions ces agissements et que nous nous efforcions de les atteindre dans la racine, nous avons cherché à les interpréter de la façon la plus généreuse, parce que nous savions qu’ils provenaient non pas d’un sentiment ou d’un dessein hostiles à notre égard de la part du peuple allemand (qui les ignorait sans doute autant que nous), mais uniquement des projets égoïstes d’un gouvernement qui faisait ce qui lui plaisait sans rien dire au peuple qu’il gouverne. Mais ces agissements ont contribué à nous convaincre à la fin que ce gouvernement n’a pour nous aucune amitié réelle et qu’il entend agir contre notre paix et notre sécurité, selon sa convenance. Qu’il se propose de nous susciter des ennemis, à notre porte, c’est ce que la note interceptée qui était adressée au ministre d’Allemagne à Mexico prouve éloquemment.

Nous acceptons le défi de ces desseins hostiles, parce que nous savons que dans un gouvernement de ce genre, qui emploie de telles méthodes, nous ne trouverons jamais un ami, et qu’en présence de son pouvoir organisé, toujours prêt à exécuter on ne sait quels projets, il ne peut y avoir aucune garantie de sécurité pour les gouvernements démocratiques du monde.

Nous sommes sur le point d’accepter la bataille avec cet ennemi naturel de la liberté et nous emploierons, s’il le faut, toutes les forces de la nation pour entraver et anéantir ses prétentions et sa puissance. Maintenant que nous voyons les faits dégagés du voile des faux semblants, nous sommes heureux de combattre pour la paix définitive du monde et pour la libération des peuples, sans en excepter le peuple allemand ; pour le droit des nations, grandes et petites, et de tous les hommes, de choisir leur genre de vie et leur forme de gouvernement. La démocratie doit être en sûreté dans le monde. La paix du monde doit être établie sur les fondements éprouvés de la liberté politique.

Nous ne poursuivons aucun but égoïste. Nous ne désirons ni conquête, ni domination. Nous ne recherchons ni indemnités pour nous-mêmes, ni compensation matérielle pour les sacrifices que nous ferons sans compter. Nous ne sommes qu’un des champions des droits de l’humanité. Nous serons satisfaits quand ces droits auront été assurés autant qu’ils peuvent l’être par la foi et la liberté de la nation.

Précisément parce que nous combattons sans rancœur et sans desseins égoïstes, ne recherchant pour nous-mêmes que ce que nous désirons partager avec tous les peuples libres, j’ai l’assurance que nous conduirons nos opérations comme des belligérants sans passion et que nous observerons nous-mêmes fièrement et scrupuleusement les principes de droit et de loyauté pour lesquels nous faisons profession de lutter.

Je n’ai rien dit des gouvernements alliés du gouvernement impérial d’Allemagne, parce qu’ils ne nous ont pas fait la guerre, ni ne nous ont provoqués à défendre notre droit et notre honneur.

Le gouvernement austro-hongrois a, il est vrai, adhéré sans réserve à la guerre sous-marine illégale et à outrance, que le gouvernement impérial allemand adopte maintenant sans détour, et c’est pourquoi il n’a pas été possible à notre gouvernement de recevoir le comte Tarnowski, ambassadeur récemment accrédité auprès de notre gouvernement par le gouvernement impérial et royal d’Autriche-Hongrie. Mais ce dernier gouvernement n’a pas encore commis d’actes de guerre contre des citoyens des États-Unis, sur mer, et je prends la liberté, pour le moment du moins, de différer une discussion sur nos relations avec les autorités de Vienne.

Nous n’entrons dans cette guerre que parce que nous y sommes forcés, n’ayant pas d’autre moyen de défendre nos droits.

Il nous sera d’autant plus facile de nous conduire en belligérants animés d’un esprit élevé de justice et de loyauté que nous agissons sans ressentiment ni inimitié à l’égard du peuple allemand et sans éprouver le désir de lui faire tort ou de lui causer un dommage, mais seulement pour résister par les armes à un gouvernement irresponsable qui a rejeté toute considération d’humanité et de droit et qui se conduit en dément.

Nous sommes, permettez-moi de le répéter, les amis sincères du peuple allemand et nous ne désirons rien tant que le prompt rétablissement de relations cordiales entre lui et nous, pour le bien des deux pays — quelque peine que les Allemands puissent avoir pour le moment à croire que ces paroles viennent de nos cœurs. Si nous avons supporté leur gouvernement actuel pendant tant de mois pénibles, c’est en raison de cette amitié. À cause d’elle nous avons montré une patience et une longanimité qui, autrement, eussent été impossibles.

Nous aurons, heureusement, une occasion encore de prouver nos sentiments d’amitié par notre attitude quotidienne et par nos actes à l’égard des millions d’hommes et de femmes, Allemands par la naissance et les sympathies, qui vivent parmi nous et partagent notre vie. Nous serons fiers de prouver ces mêmes sentiments à l’égard de tous ceux d’entre eux qui en usent loyalement envers leurs voisins et envers ce gouvernement, pendant ces heures d’épreuve. Ils sont, pour la plupart, d’aussi sincères et fidèles Américains que s’ils n’avaient jamais été liés à aucune autre patrie. Ils seront disposés à blâmer avec nous et à contenir le petit nombre de ceux qui peuvent différer d’avis et de tendances. S’il devait se produire des défections, elles seraient réprimées d’une main ferme et sévère ; mais si la félonie lève la tête, les cas seront isolés, elle ne trouvera d’appui qu’auprès de rares esprits malfaisants, ennemis de toute loi.

Messieurs les membres du Congrès, c’est un devoir affligeant et accablant que j’ai rempli en vous tenant ce langage. Il se peut que de nombreux mois de dures épreuves et de sacrifices nous attendent. C’est une chose terrible que de conduire ce grand peuple pacifique à la guerre, à la plus effrayante et la plus désastreuse de toutes les guerres, à cette guerre dont la civilisation elle-même semble être l’enjeu. Mais le droit est plus précieux que la paix et nous combattrons pour les biens qui ont toujours été les plus chers à nos cœurs — pour la démocratie, pour le droit de ceux qui courbés sous l’autorité doivent avoir enfin voix dans la conduite du gouvernement, pour les droits et les libertés des petites nations, pour que le règne universel du droit, fondé sur l’accord de peuples libres, assure la paix et la sécurité à toutes les nations et rende le monde lui-même enfin libre.

À une telle tâche nous pouvons sacrifier nos vies et nos richesses, tout ce que nous sommes et tout ce que nous possédons, avec la fierté de ceux qui savent que le jour est venu où l’Amérique a le privilège de donner son sang et sa force pour des principes auxquels elle doit son existence et pour le bonheur et la paix qui ont été son bien le plus précieux. Dieu l’aidant, elle ne peut pas agir autrement.

« Nous devons accepter la guerre » in Président W. Wilson, Pourquoi nous sommes en guerre. Six messages au Congrès et au peuple américain, suivis du message du président Wilson à la Russie, trad. Désiré Roustan, Paris, Bossard, 1917, pp. 31-42.


The world must be made safe for democracy.

The world must be made safe for democracy. Its peace must be planted upon the tested foundations of political liberty.

Les deux phrases les plus citées du discours du 2 avril reçoivent des traductions variables.

Le Temps du 4 avril 1917 :

« Il est nécessaire d’assurer la sécurité de la démocratie dans le monde. La paix doit reposer sur les solides fondations des libertés politiques. »

La Revue politique et parlementaire, 10 mai 1917 :

« La démocratie doit être en sûreté dans le monde. La paix du monde doit être établie sur les fondements éprouvés de la liberté politique. »

— Désiré Roustan, professeur de philosophie au lycée Louis-le-Grand, 1917 :

« La démocratie doit être en sûreté dans le monde. La paix du monde doit être établie sur les fondements éprouvés de la liberté politique. »

— T. H. Mac Carthy, 1918 :

« Le monde doit devenir un lieu enfin sûr pour la démocratie. Sa paix doit être établie sur les fondements éprouvés de la liberté politique. »

— Désiré Roustan, 1919 :

« Il faut faire du monde un lieu enfin sûr pour la démocratie. La paix du monde doit être établie sur les fondements éprouvés de la liberté politique. »

United States War Information Office, janvier 1948 :

« Il faut que la démocratie soit en sûreté dans le monde. La paix du monde doit s’enraciner sur les fondements éprouvés de la liberté politique. »