30 novembre 1943. — Déclaration de Moscou sur les atrocités allemandes

La déclaration sur les atrocités allemandes est adoptée par la conférence des ministres des Affaires étrangères réunie à Moscou du 19 octobre au 30 novembre 1943.

Le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Union soviétique ont reçu, de nombreuses sources, la preuve des atrocités, massacres et exécutions en masses perpétrés de sang-froid par les troupes hitlériennes dans la plupart des pays qu’elles ont occupés et dont elles sont maintenant progressivement expulsées.

Les brutalités de la domination hitlérienne ne sont pas chose nouvelle et tous les peuples ou territoires au pouvoir des Hitlériens ont eu à souffrir de la pire forme de gouvernement par la terreur. Ce qui est nouveau, c’est que bien des territoires sont maintenant en voie de leur être repris, grâce à l’avance des armées des Puissances libératrices et que, dans leur désespoir, les Huns hitlériens en se repliant redoublent de cruautés impitoyables. C’est ce que prouvent de façon particulièrement évidente les crimes monstrueux dont les Hitlériens se rendent coupables sur le territoire de l’Union soviétique qui est en train de se libérer du joug hitlérien, et en territoire français et italien.

En conséquence, les trois Puissances alliées susdites, parlant dans l’intérêt des trente-deux (trente-trois) Nations Unies, font, à titre d’avertissement formel la déclaration solennelle suivante :
Au moment où un armistice sera accordé à tout gouvernement qui pourrait être constitué en Allemagne, les officiers et soldats allemands et les membres du parti nazi qui ont été responsables de ces atrocités, massacres et exécutions ou qui auront consenti à y prendre part, seront envoyés dans les pays où leurs forfaits abominables ont été perpétrés, afin d’y être jugés et punis conformément aux lois de ces pays libérés et des gouvernements libres qui y seront établis.

Des listes aussi détaillées que possible seront dressées dans tous ces pays, spécialement en ce qui concerne les régions envahies de l’Union soviétique, de la Pologne et de la Tchécoslovaquie, de la Yougoslavie et de la Grèce, y compris la Crète et les autres îles, de la Norvège, du Danemark, des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg, de la France et de l’Italie.

Ainsi les Allemands qui prennent part aux fusillades massives d’officiers italiens ou à l’exécution d’otages français, hollandais, belges ou norvégiens, ou de paysans crétois, ou qui ont pris part aux massacres de la population polonaise ou à ceux perpétrés sur les territoires de l’Union soviétique d’où l’ennemi est en train d’être balayé, sauront qu’ils seront ramenés sur le théâtre de leurs crimes et jugés sur place par les peuples victimes de leur barbarie. Que ceux qui n’ont pas encore souillé leurs mains du sang innocent prennent garde de ne pas rejoindre les rangs des coupables, car il est absolument certain que les trois Puissances alliées les poursuivront jusqu’au bout de la terre, et les livreront à leurs accusateurs, afin que justice soit faite.

La présente déclaration est faite sans préjudice du cas des criminels allemands dont les crimes ne peuvent être situés en un endroit particulier et qui seront punis par une décision commune des Gouvernements alliés.

ROOSEVELT
CHURCHILL
STALINE

Le statut et le jugement du Tribunal de Nuremberg. Historique et analyse, Mémorandum du secrétaire général des Nations unies, Assemblée générale, Commission du droit international, Lake Success, New-York, 1949, pp. 94-96.