Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations unies adopte la résolution 181 sur le « gouvernement futur de la Palestine ». Le texte fixe la fin du mandat britannique au 1er août 1948 au plus tard et prévoit un partage du territoire à mettre en œuvre deux mois après le départ de la puissance mandataire : un État arabe, un État juif et un corpus separatum (Jérusalem et Bethléem). Faute d’un accord préalable entre les parties, la résolution précipite la Palestine dans la guerre civile. En décembre 1947, le Royaume-Uni fixe le terme de son mandat au 14 mai 1948 à minuit et se prépare à l’évacuation. Le 14 à 16 h, heure de Tel Aviv, Ben Gourion proclame l’indépendance de l’État juif sous le nom d’Israël sans en indiquer les frontières. La traduction ci-après est publiée dans Hehaloutz — Le Pionnier —, revue mensuelle du Merkaz Hehaloutz en France (mai 1948).
Voici le texte intégral de la proclamation officielle de l’établissement de l’État d’Israël lue par M. David Ben Gourion, président du Conseil le vendredi 14 mai 1948, devant le Conseil national à Tel-Aviv.
La terre d’Israël a été le lieu de naissance du peuple juif. Là se forma sa personnalité spirituelle, religieuse et nationale. Là, il réalisa son indépendance, créa une culture de portée nationale et universelle et là il écrivit la Bible, pour la donner au monde entier.
Exilé de Palestine, le peuple juif lui demeura fidèle dans tous les pays de sa dispersion ne cessant jamais d’espérer et de prier pour son retour et la restauration de sa liberté nationale.
Mus par ces facteurs historiques, les Juifs, pendant des siècles, s’efforcèrent de retourner dans le pays de leurs aïeux et de reformer leur État. Au cours des récentes décades, il y revinrent en masse. Ils défrichèrent un désert, firent revivre leur langue, construisirent des cités et des villages et établirent une communauté vigoureuse et en croissance constante, possédant son économie et sa vie culturelle propres. Ils recherchèrent la paix, tout en restant constamment prêts à se défendre. Ils apportèrent à tous les habitants du pays les bienfaits du progrès.
En l’année 1897 le premier Congrès sioniste, inspiré par la vision de Théodore Herzl d’un État juif, proclama le droit du peuple juif à une renaissance nationale dans son propre pays.
Ce droit fut reconnu par la déclaration Bal four du 2 novembre 1917 et réaffirmé par le mandat de la Société des Nations, qui accorda une reconnaissance internationale explicite aux liens historiques unissant le peuple juif à la Palestine, et à son droit d’y reconstituer son foyer national.
L’holocauste sur l’autel nazi, qui anéantit des millions de Juifs en Europe, prouva à nouveau l’urgence du rétablissement de l’État juif qui, en ouvrant ses portes à tous les Juifs et en les mettant sur un pied d’égalité avec les autres membres de la famille des nations, résoudrait le problème des Juifs sans patrie.
Tant les survivants de la catastrophe européenne que les Juifs d’autres pays, revendiquent le droit à une vie de dignité de liberté et de travail et sans se laisser détourner par les difficultés, les obstacles et les épreuves n’ont cessé de tenter d’entrer en Palestine.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le peuple juif de Palestine a pleinement contribué à la lutte menée par les nations éprises de liberté contre la malfaisance nazie. Les sacrifices de ses soldats et les efforts de ses travailleurs lui gagnèrent le droit de figurer dans le rang des peuples qui fondèrent l’Organisation des Nations unies.
Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations unies adopta une résolution portant établissement d’un État Juif indépendant en Palestine, et engagea les habitants de ce pays à prendre les mesures nécessaires pour la mise en vigueur de ce plan.
Cette reconnaissance par les Nations unies du droit du peuple juif à établir son État indépendant ne peut pas être révoquée. De plus, il est évident que le peuple juif a le droit, comme toutes les autres nations, de former une nation dans son propre État souverain.
Par conséquent, nous, membres du Conseil national, représentant le peuple juif de Palestine et le mouvement sioniste mondial, réunis en assemblée solennelle, en vertu des droits naturels et historiques du peuple juif et de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies :
PROCLAMONS L’ÉTABLISSEMENT DE L’ÉTAT JUIF EN PALESTINE ET LE NOMMONS ISRAËL.
Nous déclarons que, dès le terme du mandat à minuit, cette nuit du 14 au 15 mai 1948, et jusqu’à l’établissement des corps élus de l’État conformément à la Constitution qui sera élaborée par une Assemblée constituante à une date ne dépassant pas le premier jour d’octobre 1948, le Conseil national actuel siégera en tant que Conseil national provisoire et que son organe exécutif l’Administration nationale constituera le gouvernement provisoire de l’État d’Israël.
L’État d’Israël encouragera le développement du pays au bénéfice de tous ses habitants ; il sera basé sur les préceptes de justice, de liberté et de paix, enseignés par les prophètes hébreux ; maintiendra la pleine égalité politique et sociale de tous ses citoyens sans distinction de race, de religion ou de sexe ; garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture ; assurera l’inviolabilité et la sainteté des églises et des lieux saints de toutes les religions et consacrera ses efforts à la réalisation des principes de la Charte des Nations unies[1].
L’État d’Israël sera prêt à coopérer avec les organismes et les représentants des Nations unies pour l’application de la résolution de l’Assemblée du 29 novembre 1947, et prendra des mesures pour réaliser l’union économique de toute la Palestine.
Nous appelons les Nations Unies à aider le peuple juif dans la construction de son État et à admettre Israël au sein de la famille des nations.
Au cœur d’une folle agression, nous appelons les habitants arabes de l’État d’Israël à reprendre le chemin de la paix et à jouer leur rôle dans le développement de l’État avec une citoyenneté pleine et égale, et représentation adéquate dans tous ses organismes et institutions provisoires et permanents.
Nous offrons la paix et l’amitié à tous les États voisins et à leurs peuples et les invitons à coopérer avec la nation juive indépendante pour le bien commun. L’État d’Israël est prêt à donner sa pleine participation au progrès pacifique et à la reconstitution du Moyen-Orient.
Nous appelons les Juifs du monde entier à se rallier à nous dans la tâche de l’immigration et du développement et à nous soutenir dans la grande lutte pour la réalisation du rêve séculaire : la rédemption d’Israël.
Plaçant notre confiance en Dieu tout-puissant, nous signons cette déclaration à la Session du Conseil national provisoire, dans la cité de Tel-Aviv, le 5e jour du mois Iyar 5708, le 14 mai 1948.
« La proclamation de l’État d’Israël », Hehaloutz, no 5, Paris, mai 1948, pp. 2-3.
[1] Le Monde du 17 mai 1948 donne le texte suivant : « L’État d’Israël sera ouvert à l’immigration des juifs de tous les pays, et leur arrivée permettra de favoriser le développement du pays pour le plus grand bien de tous ses habitants. L’État d’Israël sera fondé sur les préceptes de la justice, de la liberté et de la paix qu’ont enseignés les prophètes hébreux. Il établira une complète égalité des droits de tous les citoyens sans distinction de race, de foi ni de sexe, et garantira la pleine liberté de culte, l’éducation et la culture pour tous. Il garantira le caractère sacré et l’inviolabilité des lieux saints de toutes les religions. Il se conformera aux principes de la charte des Nations unies. »