La notion de révolution néolithique est définie par l’archéologue australien Vere Gordon Childe (1892-1957) dans son livre Man Makes Himself (1936), mais le terme de révolution est antérieur. Il est employé dès 1889 par le français Émile Cartailhac dans La France préhistorique d’après les sépultures et les monuments.
CHAPITRE VII
PÉRIODE NÉOLITHIQUE OU DE LA PIERRE POLIE
Nous avons résumé l’histoire industrielle et sociale des temps quaternaires ou plutôt de leur portion qui correspond à l’âge de la pierre taillée. Il nous a semblé que les diverses phases sont en France intimement unies. Il y a des gisements bien caractérisés pour chacune d’elles, d’autres établissent des transitions régulières.
Il n’y a pas de changements à vue, pas de révolutions subites ; mais des oscillations limitées et des variations lentes.
Chez nous, la civilisation se serait développée sur place et spontanément d’un bout à l’autre de la période paléolithique. Tous les progrès paraissent autochtones ; le sont-ils réellement, on ne sait.
Lorsque, après avoir franchi l’âge du renne, nous nous trouvons dans un âge nouveau dit de la pierre polie, ou mieux, période néolithique, nous constatons que de grands changements se sont accomplis. Rien ne les faisait prévoir.
Entre les gisements paléolithiques les plus récents et les gisements néolithiques les plus anciens à notre connaissance, il y a une solution de continuité.
Au point de vue géologique, je me hâte de le dire, aucun accident brusque ne peut être invoqué pour expliquer cette séparation. Nous constatons l’avènement d’une période de remarquable tranquillité. Au froid et à la sécheresse de l’âge du renne succède le climat actuel d’abord plus humide qu’aujourd’hui. C’est proprement l’époque des tourbières. La tourbe se forme partout où s’accumule la végétation, le long des vallées dont la rivière est devenue petite, limpide, sans vitesse et constante, dont le fond plat est parcouru par une foule de filets d’eaux de source.
Ces tourbières ont ainsi comblé un grand nombre de dépressions du sol. Elles ont gardé, recouvert et conservé à merveille les os d’animaux et tous les objets d’industrie que des circonstances variées ont mis dans leur sein.
L’étude de ces ossements et de ceux qu’on rencontre dans les alluvions contemporaines qui sont insignifiantes relativement à celles d’autrefois, fait voir qu’il n’y a plus de mammouth, ni de rhinocéros, ni de grand ours, ni de lion des cavernes. Le renne déjà rare dans certaines stations que l’archéologie rattache néanmoins à l’âge du renne, a tout à fait disparu de nos pays. Avec lui sont partis les animaux qui contribuaient à caractériser son époque et qui s’accommodaient du même climat.
En revanche, quelques espèces sauvages, le cerf par exemple, pullulent à leur tour et la plupart de nos animaux domestiques vont se montrer en abondance.
Au point de vue industriel et social, une révolution a coïncidé avec cette transformation de la faune. L’art, l’outillage de l’âge du renne sont tombés en oubli ; des formes nouvelles ont fait leur apparition ; on a la hache en pierre polie ; on fabrique des vases de terre, on construit des monuments, on pratique l’agriculture.
C’est une civilisation nouvelle, inattendue.
Émile Cartailhac, La France préhistorique d’après les sépultures et les monuments, 1889, 2e édition, Paris, Félix Alcan, 1903, pp. 122-123.