Le deuxième chant de Childe Harold de lord Byron (1812-1818)
XI.
Mais de tous les spoliateurs de ce temple qui domine là-haut, où Pallas avait prolongé son séjour, comme si elle n’eût pu se résoudre a quitter celte relique dernière de son antique pouvoir, quel fut le dernier et le pire ? Rougis, ô Calédonie, de lui avoir donné naissance ! Angleterre, je me réjouis de ce qu’il n’est pas l’un de tes enfants. Tes hommes libres devraient respecter ce qui fut jadis libre ; comment donc ont-ils pu profaner le temple attristé et entraîner ses autels sur les flots qui ne les ont portés qu’à regret ?
XII.
Le moderne Picte se fait lâchement gloire d’avoir brisé ce que les Goths, les Turcs et le Temps ont épargné ; il est froid comme les rochers de ses côtes natales, il a l’esprit aussi stérile, le cœur aussi dur, celui dont la tête a pu concevoir et la main préparer l’enlèvement des lamentables restes d’Athènes. Ses fils, trop faibles pour défendre ses sacrés autels, éprouvèrent cependant une portion des douleurs de leur mère [7], et sentirent alors pour la première fois le poids des chaînes du despotisme.
XIII.
Eh quoi ! sera-t-il dit par des bouches britanniques qu’Albion fut heureuse des larmes d’Athènes ? Albion, bien que ce soit en ton nom que ces misérables lui ont déchiré le sein, crains d’avouer à l’Europe un attentat qui la ferait rougir ! La reine de l’Océan, la libre Angleterre, enlever à une terre encore saignante sa dernière et chétive dépouille ! celle dont l’opprimé n’a jamais en vain réclamé l’appui, arracher d’une main de harpie ces malheureux débris que le Temps avait respectés, que les tyrans avaient laissés debout !
Le Pèlerinage de Childe Harold, chant II, in Œuvres complètes de lord Byron, trad. Benjamin Laroche, 6e édition, 1re série, Paris, Victor Lecou, 1847, pp. 325-326.