Document 1 : séance du 23 juin 1789
Document 2 : séance du 10 août 1792
Document 3 : séance du 13 novembre 1792
Document 4 : séance du 3 décembre 1792
Document 5 : séance du 14 janvier 1793
Document 6 : séance du 16 janvier 1793
Document 1
SÉANCE DU 23 JUIN 1789
Les députés se sont rendus à l’heure indiquée au lieu ordinaire des séances. Une garde nombreuse entourait la salle ; on avait établi des barrières ; dans les rues circonvoisines et sur l’avenue de Paris, on avait placé des détachements de gardes françaises et suisses, de gardes de la prévôté et de la maréchaussée.
Les portes ayant été ouvertes, on a d’abord placé les deux ordres privilégiés. Les membres de l’Assemblée nationale ont été obligés d’attendre plus d’une heure, la plupart exposés à la pluie. L’Assemblée nationale a témoigné son mécontentement par des murmures réitérés. Les deux secrétaires sont allés se plaindre de l’indécence d’une attente si longue.
[…]
Le roi entre ensuite dans la salle et prononce un premier discours dans lequel il déclare « avoir fait tout ce qui était en [son] pouvoir pour faire le bien de [ses] peuples » et regrette que les États généraux n’aient pas pu « s’entendre sur les préliminaires de leurs opérations » alors qu’ils sont ouverts depuis deux mois. Il laisse ensuite la parole à un secrétaire d’État pour la lecture d’une déclaration.
Art. 1er. — Le Roi veut que l’ancienne distinction des trois ordres de l’État soit conservée en son entier, comme essentiellement liée à la constitution de son royaume ; que les députés librement élus par chacun des trois ordres, formant trois Chambres, délibérant par ordre, et pouvant, avec l’approbation du souverain, convenir de délibérer en commun, puissent seuls être considérés comme formant le corps des représentants de la nation. En conséquence, le Roi a déclaré nulles les délibérations prises par les députés de l’ordre du tiers-état, le 17 de ce mois, ainsi que celle qui auraient pu s’ensuivre, comme illégales et inconstitutionnelles.
[…]
Le roi prononce alors un deuxième discours, suivi d’une deuxième déclaration, avant de clore la séance par un troisième discours
Vous venez, Messieurs, d’entendre le résultat de mes dispositions et de mes vues ; elles sont conformes au vif désir que j’ai d’opérer le bien public ; et si, par une fatalité loin de ma pensée, vous m’abandonniez dans une si belle entreprise, seul, je ferai le bien de mes peuples ; […].
Réfléchissez, Messieurs, qu’aucun de vos projets, aucune de vos dispositions ne peut avoir force de loi sans mon approbation spéciale. Ainsi, je suis le garant naturel de vos droits respectifs ; et tous les ordres de l’État peuvent se reposer sur mon équitable impartialité.
[…]
Je vous ordonne, Messieurs, de vous séparer tout de suite, et de vous rendre demain matin chacun dans les Chambres affectées à votre ordre, pour y reprendre vos séances. J’ordonne, en conséquence, au grand-maître des cérémonies de faire préparer les salles.
Après le départ du Roi, les députés de la noblesse et une partie de ceux du clergé se retirent, tous les membres de l’Assemblée nationale et plusieurs curés restent immobiles à leur place.
[…]
Quelque temps après, le marquis de Brézé s’approche du président, et dit :
« Messieurs, vous avez entendu les intentions du Roi. »
M. le comte de Mirabeau se lève avec le ton et les gestes de l’indignation, et répond ainsi :
Oui, Monsieur, nous avons entendu les intentions qu’on a suggérées au Roi ; et vous, qui ne sauriez être son organe auprès des États généraux ; vous, qui n’avez ici ni place, ni droit de parler, vous n’êtes pas fait pour nous rappeler son discours. Cependant, pour éviter tout équivoque et tout délai, je déclare que si l’on vous a chargé de nous faire sortir d’ici, vous devez demander des ordres pour employer la force ; car nous nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes .
D’une voix unanime les députés se sont écriés : Tel est le vœu de l’Assemblée.
Après le départ du marquis de Brézé, grand maître des cérémonies, l’abbé Sieyès prend la parole.
M. l’abbé Sieyès. — Messieurs, nous sommes aujourd’hui ce que nous étions hier. Délibérons.
MM. Pétion de Villeneuve, Buzot, Garat l’aîné et l’abbé Grégoire appuient avec énergie le parti proposé.
M. l’abbé Sieyès. — Messieurs, quelque orageuses que paraissent les circonstances, nous avons toujours une lumière pour nous guider ! Demandons-nous quels pouvoirs nous exerçons et quelle mission nous réunit ici de tous les points de la France. Ne sommes-nous que des mandataires, des officiers du Roi ? nous devons obéir et nous retirer. Mais, sommes-nous les envoyés du peuple, remplissons notre mission, librement, courageusement.
Est-il un seul d’entre nous qui voulût abjurer la haute confiance dont il est revêtu et retourner vers ses commettants, leur dire : j’ai eu peur, vous aviez remis dans de trop faibles mains les destinées de la France ; envoyez à ma place un homme plus digne de vous représenter ?
Nous l’avons juré, Messieurs, et notre serment ne sera pas vain, nous avons juré de rétablir le peuple français dans ses droits. L’autorité qui vous a institués pour cette grande entreprise, de laquelle seule nous dépendons, et qui saura bien nous défendre, est, certes, loin encore de nous crier : c’est assez ; arrêtez-vous. Au contraire, elle nous pousse, et nous demande une constitution. Et qui peut la faire sans nous ? qui peut la faire, si ce n’est nous ? Est-il une puissance sur terre qui puisse vous ôter le droit de représenter vos commettants ?
(Ce discours est couvert d’applaudissements).
On prend les voix par assis et levé, et l’Assemblée nationale déclare unanimement qu’elle persiste dans ses précédents arrêtés.
Archives parlementaires de 1787 à 1860, première série (1787 à 1799), tome VIII, du 5 mai 1789 au 15 septembre 1789, Paris, Libraire administrative de Paul Dupont, 1875, pp. 142-146.
Les Archives parlementaires indiquent en note :
« Le recueil des discours de Mirabeau, publié par M. Barthe donne la variante suivante : “Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la puissance du peuple et qu’on ne nous en arrachera que par la force des baïonnettes.” »
Dans le tome premier de son Histoire de la Révolution française (1847), Michelet écrit :
« Le maître des cérémonies entre alors et, d’une voix basse, dit au président [Bailly] : “Monsieur, vous avez entendu l’ordre du roi ?” — Il répondit : “L’Assemblée s’est ajournée après la séance royale ; je ne puis la séparer sans qu’elle en ait délibéré.” — Puis se tournant vers ses collègues voisins de lui : “Il me semble que la nation assemblée ne peut pas recevoir d’ordre.”
« Ce mot fut repris admirablement par Mirabeau, il l’adressa au maître des cérémonies ; de sa voix forte, imposante, et d’une majesté terrible, il lui lança ces paroles : “Nous avons entendu les intentions qu’on a suggérées au roi ; et vous, Monsieur, qui ne sauriez être son organe auprès de l’Assemblée nationale, vous qui n’avez ici ni place, ni voix, ni droit de parler, vous n’êtes pas fait pour nous rappeler son discours… Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple, et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes.” »
Document 2
SÉANCE DU 10 AOÛT 1792
M. Vergniaud, au nom de la commission extraordinaire des Douze, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à la suspension du chef du pouvoir exécutif et tendant à la formation d’une Convention nationale ; il s’exprime ainsi :
Messieurs, je viens, au nom de la commission extraordinaire vous présenter une mesure rigoureuse ; je la présenterai cependant sans réflexion. Je m’en rapporte à la douleur dont vous devez être pénétrés d’après les événements qui sont arrivés. Jugez si elle est nécessaire :
« L’Assemblée nationale, considérant que les dangers de la patrie sont parvenus à leur comble ;
« Que c’est pour le Corps législatif le plus saint des devoirs d’employer tous les moyens de la sauver ;
« Qu’il est impossible d’en trouver d’efficaces, tant qu’on ne s’occupera pas de tarir la source de ses maux ;
« Considérant que ces maux dérivent principalement des défiances qu’a inspirées la conduite du chef du pouvoir exécutif, dans une guerre entreprise en son nom contre la Constitution et l’indépendance nationale ;
« Que ces défiances ont provoqué de diverses parties de l’Empire un vœu tendant à la révocation de l’autorité déléguée à Louis XVI ;
« Considérant néanmoins que le Corps législatif ne doit ni ne veut agrandir la sienne par aucune usurpation ;
« Que dans les circonstances extraordinaires où l’ont placé des événements imprévus par toutes les lois, il ne peut concilier ce qu’il doit à sa fidélité inébranlable à la Constitution, avec sa ferme résolution de s’ensevelir sous les ruines du Temple de la liberté, plutôt que de la laisser périr, qu’en recourant à la souveraineté du peuple, et prenant en même temps les précautions indispensables pour que ce recours ne soit pas rendu illusoire par des trahisons, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le peuple, français est invité à former une Convention nationale : la commission extraordinaire présentera demain un projet pour indiquer le mode et l’époque de cette Convention.
Art. 2.
« Le chef du pouvoir exécutif est provisoirement suspendu de ses fonctions, jusqu’à ce que la Convention nationale ait prononcé sur les mesures qu’elle croira devoir adopter pour assurer la souveraineté du peuple et le règne de la liberté et de l’égalité. »
[…]
Archives parlementaires de 1787 à 1860, première série (1787 à 1799), tome XLVII, du 21 juillet 1792 au 10 août 1792, Paris, Imprimerie et librairie administratives et des chemins de fer, Paul Dupont, éditeur, 1896, p. 645.
Document 3
Les 6 et 7 novembre 1792, la Convention entend deux rapports, le premier au nom de la Commission des vingt-quatre sur les charges retenues contre Louis XVI, le second au nom du Comité de législation sur la possibilité de juger le roi. La discussion est rouverte le 13.
SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1792
Morisson, député de Vendée, est le premier à s’exprimer.
Louis XVI a bien évidemment trahi sa patrie ; il s’est rendu coupable de la perfidie la plus affreuse ; il s’est lâchement parjuré plusieurs fois ; il avait formé le projet de nous asservir sous le joug du despotisme ; il a soulevé contre nous une partie de l’Europe ; il a livré nos places et les propriétés de nos frères ; il a sacrifié nos généreux défenseurs ; il a cherché partout à établir l’anarchie et ses désordres ; il a fait passer le numéraire de la France aux ennemis qui s’étaient armés, qui s’étaient coalisés contre elle ; il a fait égorger des milliers de citoyens qui n’avaient commis d’autre crime à son égard que celui d’aimer la liberté et leur patrie ; le sang de ces malheureuses victimes fume encore autour de cette enceinte ; elles appellent tous les Français à les venger. Mais ici nous sommes religieusement sous l’empire de la loi ; comme des juges impassibles, nous consultons froidement notre Code pénal ; eh bien, ce Code pénal ne contient aucune disposition qui puisse être appliquée à Louis XVI ; puisqu’au temps de ses crimes il existait une loi positive qui portait une exception en sa faveur ; je veux parler de la Constitution.
J’ouvre, citoyens, cet ouvrage sans doute informe et déraisonnable, cet ouvrage contradictoire avec les premiers principes de l’ordre social, mais qui gouvernait encore lorsque les crimes dont nous gémissons ont été commis parmi nous ; j’y trouve ces articles :
« La personne du roi est inviolable et sacrée.
« Si le roi se met à la tête d’une armée et en dirige les forces contre la nation », ou s’il ne s’oppose pas par un acte formel à une telle entreprise qui s’exécuterait en son nom, il sera censé avoir abdiqué la royauté.
« Après l’abdication expresse ou légale, le roi sera dans la classe des citoyens, et il pourra être accusé et jugé comme eux pour les actes postérieurs à son abdication ».
La personne du roi est inviolable et sacrée.
Saint-Just, député de l’Aine, lui répond. C’est la première fois qu’il s’exprime devant la Convention.
On s’étonnera un jour qu’au XVIIIe siècle on ait été moins avancé que du temps de César : là, le tyran fut immolé en plein Sénat, sans autres formalités que trente coups de poignards, et sans autre loi que la liberté de Rome. Et aujourd’hui l’on fait avec respect le procès d’un homme assassin d’un peuple, pris en flagrant délit, 1a main dans le sang, la main dans le crime !
Les mêmes hommes qui vont juger Louis ont une République à fonder ; ceux qui attachent quelque importance au juste châtiment d’un roi ne fonderont jamais une République. Parmi nous, la finesse des esprits et des caractères est un grand obstacle à la liberté ; On embellit toutes les erreurs et le plus souvent la vérité n’est que la séduction de notre goût.
[…]
Pour moi, je ne vois point de milieu : cet homme doit régner ou mourir.
Archives parlementaires de 1787 à 1860, première série (1787 à 1799), tome LIII, 27 octobre 1792 au 30 novembre 1792, Paris, Imprimerie et librairie administratives et des chemins de fer, Paul Dupont, éditeur, 1898, pp. 385-392.
Document 4
La Convention se réunit le 21 septembre 1792 et abolit la royauté, mais se divise sur la question du jugement du roi. Le 3 décembre 1792, elle décide que Louis XVI sera jugé et qu’il sera jugé par elle, malgré l’avis contraire de Robespierre.
SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1792
Gamon. — Je demande que la discussion soit fermée sur ces deux questions : Louis peut-il être jugé ? Par qui doit-il être jugé ?
Nous sommes convaincus depuis longtemps que Louis peut être jugé ; le vœu de tous les républicains de France est qu’il soit jugé par la Convention.
Je demande encore que vos comités de législation et de sûreté générale réunis soient chargés de rédiger, dans le plus court délai, un acte d’accusation contre Louis Capet, contenant l’énumération de tous les crimes qui lui sont imputés et l’état des pièces justificatives.
Cet acte d’accusation, rédigé et adopté par la Convention, je demande que Louis XVI soit amené à la barre, qu’il lui soit donné lecture de l’acte d’accusation et de tous les griefs allégués contre lui et qu’il soit sommé d’y répondre ainsi qu’à tous les interrogatoires qui pourraient lui être faits par le Président.
Après cela, si la conviction des crimes du tyran est dans vos âmes, vous porterez votre jugement. Si vous croyez avoir besoin d’entendre quelques témoins contre lui, vous les entendrez ; s’il sollicite des délais pour présenter des moyens de justification, alors il est de votre justice et de votre humanité de les accorder et il vous appartiendra de les fixer. Telle est, ce me semble, la marche que vous devez tenir, représentants du peuple, si vous consultez votre devoir et votre dignité.
Maximilien Robespierre. — J’insiste pour avoir la parole.
Le président. — Vous avez la parole.
Maximilien Robespierre. — Citoyens, l’Assemblée a été entraînée, à son insu, loin de la véritable question. Il n’y a, point ici de procès à faire. Louis n’est point un accusé. Vous n’êtes point des juges. Vous n’êtes, vous ne pouvez être que des hommes d’État, et les représentants de la nation.
[…]
Louis fut roi, et la République est fondée : la question fameuse qui vous occupe est décidée par ces seuls mots : Louis a été détrôné par ses crimes ; Louis dénonçait le peuple français comme rebelle ; il a appelé, pour le châtier, les armes des tyrans ses confrères ; la victoire et le peuple ont décidé que lui seul était rebelle : Louis ne peut donc être jugé ; il est déjà condamné, ou la République n’est point absoute. (Applaudissements.) Proposer de faire le procès à Louis XVI, de quelque manière que ce puisse être, c’est rétrograder vers le despotisme royal et constitutionnel ; c’est une idée contre-révolutionnaire, car c’est mettre la Révolution elle-même en litige. En effet, si Louis peut être encore l’objet d’un procès, il peut être absout ; il peut être innocent ; que dis-je ! il est présumé l’être jusqu’à ce qu’il soit jugé : mais si Louis est absout, si Louis peut être présumé innocent, que devient la Révolution ? Si Louis est innocent, tous les défenseurs de la liberté deviennent des calomniateurs ; les rebelles étaient les amis de la vérité et les défenseurs de l’innocence opprimée ; tous les manifestes des cours étrangères ne sont que des réclamations légitimes contre une faction dominatrice. La détention même que Louis a subie jusqu’à ce moment est une vexation injuste ; les fédérés, le peuple de Paris, tous les patriotes de l’Empire français sont coupables, et ce grand procès pendant au tribunal de la nature, entre le crime et la vertu, entre la liberté et la tyrannie, est enfin décidé en faveur du crime et de la tyrannie. […]
Je vous propose de statuer, dès ce moment, sur le sort de Louis. Quant à sa femme, vous la renverrez aux tribunaux, ainsi que toutes les personnes prévenues des mêmes attentats. Son fils sera gardé au Temple, jusqu’à ce que la paix et la liberté publique soient affermies. Quant à Louis, je demande que la Convention nationale le déclare, dès ce moment, traître à la nation française, criminel envers l’humanité ; je demande qu’à ce titre il donne un grand exemple au monde, dans le lieu même où sont morts, le 10 août, les généreux martyrs de la liberté, et que cet événement mémorable soit consacré par un monument destiné à nourrir dans le cœur des peuples le sentiment de leurs droits et l’horreur des tyrans ; et dans l’âme des tyrans, la terreur salutaire de la justice du peuple.
Archives parlementaires de 1787 à 1860, première série (1787 à 1799), tome LIV, 1er décembre 1792 au 10 décembre 1792, Paris, Imprimerie et librairie administratives et des chemins de fer, Paul Dupont, éditeur, 1898, pp. 74-77.
Document 5
SÉANCE DU 14 JANVIER 1793
Ouvert le 11 décembre 1792 par la lecture de l’acte énonciatif des crimes de Louis, dernier roi des Français, en présence de l’accusé, le procès se termine en janvier par cinq appels nominaux.
« La Convention nationale décrète quelle ira demain aux voix, par appel nominal, sur les trois questions suivantes, dans cet ordre et dans la même séance :
« 1o Louis est-il coupable de conspiration contre la liberté de la nation et d’attentat contre la sûreté générale de l’État ?
« 2o Le jugement, quel qu’il soit, sera-t-il envoyé à la sanction du peuple ?
« 3o Quelle peine lui sera-t-il infligée ? »
Archives parlementaires de 1787 à 1860, première série (1787 à 1799), tome LVII, du 12 janvier 1793 au 28 janvier 1793, Paris, Imprimerie et librairie administratives et des chemins de fer, Paul Dupont, éditeur, 1900, p. 58.
Document 6
SÉANCE DU 16 JANVIER 1793
Salle, secrétaire, commence l’appel nominal par le département de la Haute-Garonne.
(Cet appel commence à six heures du soir et continue jusqu’au lendemain soir sept heures sans interruption).
Troisième appel nominal.
La question est posée en ces termes :
Quelle peine Louis, ci-devant roi des Français, a-t-il encourue ?
GARONNE (HAUTE-) (12 députés)
Mailhe. — Par une conséquence naturelle de l’opinion que j’ai déjà émise sur la première question, je vote pour la mort de Louis. Je ferai une seule observation. Si la mort a la majorité, je pense qu’il serait digne de la Convention nationale d’examiner s’il ne serait pas politique et utile de presser ou de retarder le moment de l’exécution. Cette proposition est indépendante de mon vote. Je reviens la première question et je vote pour la mort.
[…]
GIRONDE (12 députés)
Vergniaud. — J’ai voté pour que le décret ou jugement qui serait rendu par la Convention nationale, fût soumis à la sanction du peuple. Dans mon opinion, les principes et les considérations politiques de l’intérêt le plus majeur, en faisaient un devoir à la Convention. La Convention nationale en a décidé autrement. J’obéis : ma conscience est acquittée. Il s’agit maintenant de statuer sur la peine à infliger à Louis. J’ai déclaré hier que je le reconnaissais coupable de conspiration contre la liberté et la sûreté nationale. Il ne m’est pas permis aujourd’hui d’hésiter sur la peine. La loi parle : c’est la mort ; mais en prononçant ce mot terrible, inquiet sur le sort de ma patrie, sur les dangers qui menacent même la liberté, sur tout le sang qui peut être versé, j’exprime le même vœu que Mailhe et je demande qu’il soit soumis à une délibération de l’Assemblée.
[…]
MEURTHE (8 députés).
Salle. — Vous avez rejeté la ratification par le peuple du décret qui serait prononcé contre Louis, mais mon opinion n’a pas changé ; car les opinions sont indépendantes de vos décrets. Je suis persuadé qu’aujourd’hui il ne nous reste plus que le choix des maux de la patrie. Ce n’est pas que je craigne la responsabilité ; si j’étais juge, j’ouvrirais le Code pénal, et je prononcerais la mort ; mais je suis législateur, rien ne peut m’ôter ces fonctions, ni me forcer à les cumuler avec d’autres incompatibles. Si Louis meurt, les chefs de parti se montreront. Louis est, au contraire le prétendant qui pourra le plus dégoûter le peuple de la royauté. J’ai donc fait sans peine mon choix entre les deux opinions qui vous sont soumises, parce que mes adversaires même me l’ont dicté ; ils m’ont dit : Ne renvoyez pas au peuple, parce qu’il ne voterait pas pour la mort ; mais moi, je ne veux prononcer que comme le peuple ; vous-mêmes m’avez dit que la loi n’a de caractère qu’autant qu’elle est l’expression présumée de la volonté. Je demande donc que Louis soit détenu jusqu’à la paix, puis banni après la guerre.
[…]
VENDÉE (9 députés).
[…]
Morisson. — J’opinerais sur la question, s’il ne s’agissait que de prendre une mesure de sûreté générale ; mais l’Assemblée a décrété qu’elle porterait un jugement, et moi je ne crois pas que Louis soit justiciable. Je m’abstiens donc de prononcer.
[…]
AISNE (12 députés)
[…]
Saint-Just. — Puisque Louis XVI fut l’ennemi du peuple, de sa liberté et de son bonheur, je conclus à la mort.
[…]
Condorcet. — Toute différence de peine pour les mêmes crimes est un attentat contre l’égalité. La peine contre les conspirateurs est la mort. Mais cette peine est contre mes principes, je ne la voterai jamais. Je ne puis voter la réclusion, car nulle loi ne m’autorise à la porter. Je vote pour la peine la plus grave dans le Code pénal, et qui ne soit pas la mort.
Archives parlementaires de 1787 à 1860, première série (1787 à 1799), tome LVII, du 12 janvier 1793 au 28 janvier 1793, Paris, Imprimerie et librairie administratives et des chemins de fer, Paul Dupont, éditeur, 1900, pp. 342-384.