Une crise boursière éclate subitement, un certain jeudi noir d’octobre 1929, à New York, alors que toutes les économies fonctionnaient au mieux et que les pays capitalistes connaissaient une croissance rapide et accomplissaient des progrès dans tous les domaines. Ce sont les excès de la spéculation boursière qui en sont la cause. On accuse particulièrement dans ce domaine la possibilité de spéculer à crédit, et aussi l’extension du jeu boursier à toutes les couches de la société, à toutes les régions des États Unis.
Cette crise boursière devient crise bancaire, par le biais de la ruine des agioteurs. La crise bancaire devient inéluctablement crise industrielle : les classes moyennes, étant ruinées achètent moins, les banques ne peuvent plus remplir leurs fonctions, la dévalorisation des actions prive les entreprises des capitaux qui leur sont nécessaires. Le chômage et la misère s’installent, qui font encore diminuer la demande, et en un cercle vicieux, rendent la crise encore plus intense.
La crise, qui jusque-là était américaine, franchit alors l’Atlantique et frappe les pays capitalistes d’Europe, puis s’étend au reste du monde. L’image d’Épinal habituelle montre mal par quel mécanisme s’opère cette traversée des océans, mais laisse entrevoir que c’est sans doute la spéculation, ou peut être les bourses, qui sont en cause, on évoque aussi le retrait des capitaux américains. La France, l’Angleterre, l’Allemagne, sont ainsi contaminées par ce « mal américain », transmis de façon insidieuse, et on sous entend le plus souvent que les peuples ou les gouvernements d’Europe sont atteints par surprise, sans avoir eu la moindre responsabilité dans le déclenchement et l’aggravation du phénomène.
Grâce à la politique économique avisée et généreuse du président Roosevelt, les effets de la crise diminueront petit à petit, malgré une mystérieuse rechute en 1938, et l’arrivée de la deuxième guerre mondiale permettra enfin la reprise économique. De même, en France, l’action résolue du gouvernement du Front populaire ramènera progressivement la prospérité, à partir de 1936.
L’aspect le plus frappant de la crise est la multiplication prodigieuse du nombre des chômeurs, et la misère qui les frappe, misère allant souvent jusqu’à la famine. On attribue aussi à la crise la responsabilité de l’arrivée au pouvoir d’Hitler en Allemagne, puis la deuxième guerre mondiale.
Cette « image d’Épinal » se construit peu à peu, à partir des gros titres de la presse, ou des interprétations immédiates que donnent les journalistes ; elle va s’installer de façon naturelle dans les esprits, et donnera une représentation collective fallacieuse simpliste et durable. On la retrouve encore de nos jours dans certains manuels élémentaires, ou encore chez les non spécialistes. Elle présente il est vrai divers avantages intellectuels : d’abord sa grande simplicité, mais surtout elle dégage les responsabilités de tous, en les faisant porter sur les démons habituels : la spéculation, les mystérieux mécanismes de la bourse, qui pour une part importante du grand public ont longtemps été apparentés à une forme particulièrement malhonnête de la magie noire ; enfin elle permet de mettre en valeur des héros sympathiques, de grands hommes d’État, et de renforcer l’idée qu’il faut tout attendre de ce type de sauveurs providentiels, populistes et pleins de bonnes intentions