Un acte terroriste : le 11-Septembre

I. Un acte terroriste meurtrier et spectaculaire
II. Une menace asymétrique : le « salafisme jihadiste »
III. La réponse états-unienne : une « guerre globale contre le terrorisme »

LANGLOIS | CC BY-NC-ND 4.0


I. Un acte terroriste meurtrier et spectaculaire

Le 11 septembre 2001, trois avions détournés par quinze pirates s’abattent sur les tours du World Trade Center à New York et sur le Pentagone à Washington.

Les deux premiers décollent de Boston en direction de Los Angeles, mais les pirates parviennent à s’emparer du poste de pilotage et rejoignent New York. Les avions percutent les tours Nord et Sud du World Trade Center, le premier à 8 h 46, le second à 9 h 03. Le troisième décolle de Washington et se dirige vers Los Angeles, mais il regagne Washington après son détournement et s’abat sur le Pentagone à 9 h 37. Un quatrième avion est détourné par quatre autres pirates après son départ de Newark (New Jersey) pour San Francisco, mais il s’écrase avant d’atteindre sa cible, à Shanksville (Pennsylvanie), après une révolte des passagers (10 h 03).

Les dix-neuf pirates sont des « kamikazes » puisqu’ils sacrifient leur propre vie, mais ils se distinguent des pilotes japonais de la Seconde Guerre mondiale puisqu’ils s’attaquent, en temps de paix, à des civils désarmés. Ils sont de confession musulmane sunnite et de nationalité différente, saoudienne, émiratie, égyptienne ou libanaise. Ils entretiennent des liens avec Oussama ben Laden, chef de l’organisation Al-Qaida, et leur action s’inspire du « salafisme jihadiste[1] », un courant politique extrémiste, islamiste radical, qui associe le fondamentalisme religieux musulman et l’activisme politique islamiste[2].

Les attentats du 11-Septembre sont meurtriers et spectaculaires. Ils causent la mort de près de 3 000 personnes à New York et Washington, provoquent l’effondrement des deux tours du World Trade Center et la dévastation d’une partie du quartier d’affaires. Ils frappent les États-Unis sur leur propre sol, soixante ans après Pearl Harbor[3], et touchent des lieux qui symbolisent leur puissance : Manhattan, le Pentagone. Les télévisions du monde entier en diffusent les images et le choc qu’elles provoquent est planétaire.

II. Une menace asymétrique : le « salafisme jihadiste »

Les attentats du 11-Septembre témoignent de la montée de l’islamisme radical et de la vulnérabilité des États-Unis face au risque terroriste, lequel représente, après la fin de la confrontation avec l’Union soviétique, un défi de nature différente.

Les attentats du 11-Septembre trouvent leur origine dans le « salafisme jihadiste » qui se développe en Afghanistan dans les années 1980. Dirigé par un Parti communiste depuis 1978, le pays reste divisé et l’Union soviétique intervient militairement, en 1979, pour soutenir le régime en place. Elle se heurte à différents mouvements de résistance qui opposent l’islam au communisme athée, accueillent des volontaires musulmans venus de l’étranger (moudjahidines) et reçoivent le soutien des États-Unis, lesquels s’appuient sur l’activiste saoudien Oussama ben Laden (1957-2011). C’est en Afghanistan, dans le djihad antisoviétique, que s’opère la synthèse entre le fondamentalisme religieux musulman et l’activisme politique islamiste et que naît l’organisation Al-Qaida (1988).

L’Union soviétique se retire d’Afghanistan (1988-1989) après l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev (1985). Oussama ben Laden rentre chez lui en héros, mais il rompt avec le régime saoudien après l’invasion du Koweït par l’Irak (2 août 1990) : il condamne Saddam Hussein et se propose de recruter des volontaires musulmans pour combattre l’Irak, mais il réprouve l’intervention internationale et le déploiement de troupes occidentales en Arabie saoudite, « terre sacrée des deux saintes mosquées ». En Afghanistan, après la chute du régime communiste (1992), apparaît une force politique nouvelle, celle des talibans, un mouvement fondamentaliste musulman, ultra-puritain, qui s’empare du pouvoir en 1996 et soumet le pays à un régime ultra-rigoriste. Oussama ben Laden rejoint l’Afghanistan la même année 1996, commandite des attentats contre les ambassades états-uniennes du Kenya et de Tanzanie (1998) et contre un navire de guerre états-unien dans le port d’Aden (2000). Il aide les talibans à combattre le commandant Massoud, un opposant établi avec ses troupes dans le nord du pays et qui succombe à un attentat-suicide, deux jours avant les attentats de New York et Washington, le 9 septembre 2001.

Al-Qaida représente, pour les États-Unis, une menace asymétrique. C’est une organisation terroriste mondialisée, multinationale et transnationale, dépourvue d’enracinement territorial ou national. Elle dispose de camps d’entraînement en Afghanistan, certes, mais elle réunit des combattants de nationalités différentes et dispose de relais dans plusieurs pays du monde. Elle ne défend pas une cause nationale, ne s’inscrit pas dans un territoire particulier et ne s’appuie pas sur une armée conventionnelle. Elle représente avant tout une menace d’ordre sécuritaire, non pas une véritable menace stratégique[4].

III. La réponse états-unienne : une « guerre globale contre le terrorisme »

Le président républicain G. W. Bush (2001-2009), fils du président G. Bush[5] (1989-1993), entraîne les États-Unis dans une « guerre globale contre le terrorisme », renforce les prérogatives du pouvoir exécutif et intervient militairement dans deux pays, l’Afghanistan et l’Irak.

La politique du président Bush est influencée par le néo-conservatisme, un courant politique dont la doctrine, en politique extérieure, peut être présentée comme un « wilsonisme botté[6] » : un « wilsonisme » puisqu’elle attribue aux États-Unis une mission dans le monde en raison de leur hypothétique supériorité morale ; un « wilsonisme botté » puisqu’elle croit en l’efficacité de la force militaire et méconnaît les règles ou les institutions internationales (unilatéralisme).

Les prérogatives du pouvoir exécutif sont renforcées. Une résolution votée par le Congrès autorise l’emploi de la force militaire dans la guerre contre le terrorisme (14 septembre 2001). Le USA Patriot Act[7] (26 octobre 2001) renforce les pouvoirs de la police sur le territoire national. Une série de mesures définit la catégorie des « combattants ennemis illégaux[8] » : les prisonniers capturés dans la guerre contre le terrorisme sont privés des garanties prévues par les conventions de Genève, peuvent être détenus sans jugement et soumis à des interrogatoires extrêmes. La création de prisons extra-territoriales, hors du territoire états-unien, à Guantanamo par exemple, prive en outre les détenus des droits garantis par la Constitution comme l’habeas corpus.

Les États-Unis attaquent l’Afghanistan (2001) et l’Irak (2003). L’intervention en Afghanistan est présentée par les États-Unis comme un acte de légitime défense prévu par l’article 51 de la charte des Nations unies. Le Conseil de sécurité approuve l’opération et l’OTAN lui apporte son con-cours. Les États-Unis bombardent le pays et les adversaires des talibans s’emparent de Kaboul (13 novembre 2001), mais Oussama ben Laden parvient à leur échapper. L’attaque de l’Irak (2003) est plus difficile à justifier et relève d’une décision unilatérale. Les États-Unis parviennent néanmoins à réunir une coalition, entrent à Bagdad (9 avril 2003) et capturent Saddam Hussein (14 décembre 2003). Les arguments utilisés pour justifier l’inter-vention n’étaient pas fondés : l’Irak ne possédait plus d’armes de destruction massive et n’entrete-nait pas de relations avec l’organisation Al-Qaida.

LANGLOIS | CC BY-NC-ND 4.0


[1] Gilles Kepel, Jihad, Paris, 2003, pp. 341 et 479.

[2] Ne pas confondre islam, fondamentalisme musulman et islamisme. L’islam est une religion révélée fondée sur la prédication de Mahomet en Arabie au début du VIIe siècle. Le fondamentalisme musulman repose une lecture littérale du Coran et se caractérise par une pratique rigoriste de la religion. L’islamisme se fixe pour objectif de conquérir le pouvoir et de l’exercer conformément à telle ou telle conception de l’islam. Il existe différentes doctrines et différents mouvements, sunnites ou chiites, radicaux ou modérés etc.

[3] La comparaison est fréquente après le 11-Septembre, mais les deux événements sont très différents.

[4] L’Iran est « islamiste » depuis la révolution de 1979, mais il s’agit d’un pays de tradition chiite. L’islamisme iranien se distingue du « salafisme jihadiste » sunnite. Après la mort de l’ayatollah Khomeyni (4 juin 1989), le régime iranien connaît en outre un assouplissement et ses relations avec l’Occident se normalisent.

[5] Ne pas confondre : 1. George Herbert Walker Bush (né en 1924), vice-président de 1981 à 1989, président de 1989 à 1993 (41e) ; 2. George Walker Bush (né en 1946), gouverneur du Texas de 1995 à 2000, président de 2001 à 2009 (43e).

[6] Pierre Hassner, « États-Unis : la force de l’empire ou l’empire de la force », Cahiers de Chaillot, n° 54, Paris, septembre 2002, p. 43.

[7] USA Patriot Act : Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism ; Unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés nécessaires à l’interception et à l’obstruction du terrorisme. Le Monde, 28 octobre 2001.

[8] Unlawful enemy combatants. Samuel F. Wells, « Une présidence en temps de guerre ? Étude de la centralisation du pouvoir aux États-Unis après le 11 septembre 2001 », Vingtième siècle, n° 97, 2008, pp. 11-12.