I. Un conflit régional : l’annexion du Koweït par l’Irak (1990)
II. La réaction internationale : la naissance hypothétique d’un « nouvel ordre mondial »
III. L’après-guerre : la persistance des tensions
La disparition de l’Union soviétique met fin à la Guerre froide (1947-1991), mais le monde post-bipolaire n’est pas forcément unipolaire, ni moins conflictuel. La Guerre froide incitait chacun des deux blocs à s’organiser et fondait la stabilité sur la double hégémonie soviétique et états-unienne. La fin de la Guerre froide se traduit en revanche par une multiplication des conflits : des conflits qui affectent les pays du Sud et entretiennent des relations avec la colonisation ou la décolonisation, des conflits qui affectent d’anciens pays à direction communiste, des conflits asymétriques qui opposent des États et des organisations terroristes.
I. Un conflit régional : l’annexion du Koweït par l’Irak (1990)
L’Irak attaque le Koweït le 2 août 1990, occupe son territoire et l’annexe le 8 : le pays devient alors la dix-neuvième province de l’Irak[1].
L’Irak est dirigé par Saddam Hussein, chef de l’État, président du Conseil de commandement de la révolution et secrétaire général du parti Baath, un parti nationaliste arabe et socialiste. Ancienne province ottomane devenue mandat britannique après la Première Guerre mondiale, le pays obtient l’indépendance en 1930, mais demeure en fait sous tutelle britannique (présence militaire, exploitation du pétrole). Il connaît trois coups d’État à partir de 1958 : le premier met fin à la monarchie (1958), le second (1963) débouche sur des conflits, le troisième donne le pouvoir au parti Baath (1968) : le général Bakr (1968-1979) puis Saddam Hussein (1979-2003), vice-président du Conseil de commandement de la révolution depuis 1969.
Le Koweït est une monarchie héréditaire (dynastie Al-Sabah) : une ancienne principauté tributaire de l’Empire ottoman placée sous protectorat britannique avant la Première Guerre mondiale et indépendante depuis 1961.
L’attaque irakienne obéit à plusieurs raisons. C’est une revendication ancienne : l’Irak considère le Koweït comme une partie du territoire irakien (la dix-neuvième province de l’Irak) et refuse de reconnaître son indépendance en 1961. L’Irak possède un débouché sur le golfe arabo-persique, mais celui est étroit : une quinzaine de km entre l’estuaire du Chatt al-Arab au nord et l’île de Boubiane (Bubiyan) au sud. Le Chatt al-Arab (la réunion du Tigre et de l’Euphrate) matérialise la frontière avec l’Iran et l’île de Boubiane (Bubiyan) est attribuée au Koweït par les Britanniques en 1922-1923. L’Irak est alors affaibli par la guerre irako-iranienne (1980-1988) : des pertes humaines (peut-être un demi-million de morts), des destructions matérielles, des dettes de guerre contractées pour moitié auprès des monarchies du Golfe, or le Koweït possède des réserves en devises et c’est, comme l’Irak, l’un des premiers producteurs mondiaux de pétrole : prés de 10 p. 100 des réserves mondiales pour chacun des deux pays en 1990.
II. La réaction internationale : la naissance hypothétique d’un « nouvel ordre mondial »
Les États-Unis exigent l’évacuation du Koweït et s’appuient sur le Conseil de sécurité de l’ONU.
Le Conseil de Sécurité adopte une série de résolutions : la première exige le retrait irakien (résolution 660, 2 août 1990) ; la douzième (résolution 678, 29 novembre 1990) autorise le recours à la force pour l’imposer (à partir du 15 janvier 1991).
L’Irak refuse de se soumettre à ces résolutions et une intervention militaire internationale (trente-deux pays) le contraint à évacuer le Koweït : bombardements aériens à partir du 17 janvier 1991 ; opération terrestre à partir du 24 février. Le 28 février 1991, l’Irak accepte toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
La guerre du Golfe[2] témoigne de la mise en place d’un « nouvel ordre international » fondé sur la suprématie des États-Unis et la renaissance du système des Nations unies.
La suprématie états-unienne : l’affaiblissement de l’Union soviétique, puis sa disparition à la fin de l’année 1991, font des États-Unis la seule superpuissance mondiale.
La renaissance du système des Nations unies : le président Bush présente la crise koweïtienne comme l’occasion de mettre en place un « nouvel ordre international ». L’expression est employée et définie dans un discours prononcé devant le Congrès, le 11 septembre 1990 : elle se rapporte non pas à l’état du monde en 1990, mais à ce qu’il pourrait devenir, un monde fondé sur la « primauté du droit ».
III. L’après-guerre : la persistance des tensions
L’intervention militaire de 1991 contraint l’Irak à évacuer le Koweït, mais le régime irakien reste en place et réprime les révoltes qui éclatent dans le pays après la défaite.
Les États-Unis se bornent à libérer le Koweït et le régime irakien reste en place. On peut expliquer l’attitude des États-Unis de la façon suivante : le risque de déstabilisation régionale en cas de chute du régime irakien, un compromis passé avec l’Union soviétique, la volonté de maintenir l’unité de la coalition et le strict respect des résolutions des Nations unies.
Le régime irakien réprime les révoltes chiites et kurdes qui éclatent dans le pays après la défaite. L’Irak rassemble plusieurs ethnies et confessions religieuses : une majorité arabe et une minorité kurde (de l’ordre de 15 pour 100) ; la majorité arabe qui comprend plusieurs confessions religieuses : des musulmans chiites (de l’ordre de 60 pour 100), des musulmans sunnites (de l’ordre de 20 pour 100), des chrétiens. Les Kurdes sont en majorité des musulmans sunnites. Saddam Hussein appartient à la majorité arabe, mais il est de confession musulmane sunnite.
Les États-Unis condamnent la répression, mais adoptent une attitude prudente : aide humanitaire destinée aux Kurdes et zone d’exclusion aérienne.
L’Irak doit néanmoins renoncer à toute arme de destruction massive : le pays est placé sous contrôle international et soumis à des sanctions économiques. Une commission de l’ONU est chargée de veiller à son désarmement, mais elle se heurte dans l’accomplissement de sa mission aux réticences du gouvernement irakien. En 1998, les États-Unis et le Royaume-Uni bombardent l’Irak et recommencent en 2001 en dépit des réticences de la France, membre de la coalition en 1991.
L’invasion du Koweït, la guerre du Golfe et leurs suites témoignent de la persistance des conflits, sinon de leur multiplication, après la fin de la Guerre froide. Elles montrent donc que la notion de « nouvel ordre mondial » reste incertaine et que la politique extérieure des États-Unis est confrontée à un dilemme : doivent-ils céder à la tentation d’agir seuls puisqu’ils sont désormais la seule superpuissance (unilatéralisme) ? Doivent-ils au contraire œuvrer à la renaissance du système des Nations unies et composer avec un monde désormais multipolaire (multilatéralisme) ?
[1] Population et superficie de l’Irak en 1988 : 18 millions d’habitants, 430 000 km2 ; population et superficie du Koweït en 1988 : 2 millions d’habitants, 18 000 km2.
[2] L’expression « guerre du Golfe » sert à désigner plusieurs conflits : la guerre irako-iranienne (1980-1988) ou première guerre du Golfe ; la guerre du Golfe proprement dite (1990-1991) ou deuxième guerre du Golfe ; l’inva-sion de l’Irak par les États-Unis (2003) ou troisième guerre du Golfe.