Sous le Second Empire, après son échec aux élections des 24 mai et 7 juin 1869, Louis-Alexandre Foucher de Careil part aux États-Unis qu’il parcourt d’est en ouest et donne un récit de son voyage dans quatre articles publiés par le journal La Liberté. Dans le troisième — « De l’Atlantique au Pacifique, II » —, il relate sa visite au bois des Grands-Arbres de Mariposa, indique qu’il fut découvert en 1852 et mentionne une première fois le Yosemite Grant Act signé par le président Lincoln le 30 juin 1864 : « le congrès des États-Unis, justement fier et préoccupé de cette découverte, a voulu pourvoir à la garde de ces monuments de la nature, tout aussi précieux que ceux de l’homme, et il a donné à l’État de Californie la charge et l’honneur d’entretenir, comme un parc public l’un des principaux groves de Big-Trees, celui de Mariposa ». Le quatrième article porte dans son entier sur la loi de 1864 autorisant la concession à l’État de Californie de la vallée de Yosemite et des terres entourant le bois des Grands-Arbres de Mariposa. Sous la IIIe République, il est nommé préfet de Seine-et-Marne (8 mai 1872), mais révoqué après la chute de Thiers (24 mai 1873), avant d’être élu sénateur du département le 30 janvier 1876. Dans la querelle qui oppose l’école de Barbizon à l’administration des forêts, il défend la cause des artistes et dépose une proposition de loi visant à ajouter 1000 hectares à la réserve artistique créée sous l’Empire. Réélu en 1882 et 1891, il meurt le 10 janvier 1891, six jours après sa deuxième réélection. Un monument élevé à sa mémoire est inauguré en forêt de Fontainebleau, près du point de vue de la Reine-Amélie, le 25 mai 1907.
Les grands parcs du Colorado et de l’État de Californie (2 janvier 1870)
Un compte rendu du Yosemite Book dans Le Globe (janvier-février 1870)
Loi autorisant la concession à l’État de Californie de la vallée de Yosemite (30 juin 1864)
Les grands parcs du Colorado et de l’État de Californie (2 janvier 1870)
VARIA
LES GRANDS PARCS DU COLORADO
ET DE
L’ÉTAT DE CALIFORNIE
L’Amérique ne fait rien comme l’Europe. Elle a seule le privilège et les moyens de faire grand. Sa compréhension de la nature et du peuple est plus large que la nôtre et se reflète dans une conception supérieure de la vie et de la culture universelles. À travers mille contradictions et d’effrayants contrastes, elle poursuit un noble but : adoucir les mœurs encore sauvages par le commerce, par une pénétration plus intime de l’homme avec la nature, tel est son idéal, devant lequel s’effacent bien des défaillances et des erreurs. Ce qui lui manque en civilisation, à notre point de vue égoïste et borné, elle le retrouve par l’incomparable bénéfice d’une nature neuve et prime-sautière. Elle est merveilleusement secondée dans sa lutte de chaque jour par des conditions exceptionnelles de milieu, d’espace et de temps et par l’ampleur même des formes dans lesquelles elle se meut, et qui ramènent à l’ordre et à la symétrie toutes les excentricités et les aberrations. Sa grandeur se mesure ainsi aux dimensions du vaste continent dont ce peuple a entrepris de faire un jardin.
De ce point de vue, rien de plus nouveau pour un Européen que le spectacle que nous offre l’Amérique, depuis qu’elle colonise, qu’elle cultive et qu’elle embellit le grand Ouest. C’est comme une série de surprises et d’éblouissements. Sur ce sol, aux trois quarts vierge, tout est possible, et les rêves des Mille et une Nuits, les plus fantastiques visions, deviennent des réalités. Je n’en veux donner ici qu’un exemple, mais il me paraît décisif.
Pendant que nous plantons nos squares et que nous parons nos promenades publiques de fleurs exotiques et d’arbustes rares élevés en serre chaude, savez-vous ce que fait l’Amérique ? Elle découvre dans le désert, à mille lieues des terres habitées, un Eden enchanté et magnifique, et elle en fait aussitôt le jardin des dieux modernes, les Yankees. C’est ainsi que dans l’État de Colorado, non loin de Denver et de Georgetown, dans cet enfer de l’Ouest, habité jusqu’ici par une population de mineurs, elle vient de consacrer, par une heureuse application, la théorie des grands parcs naturels, affectés aux délices du peuple américain, et elle a nommé ce beau site the Garden of the Gods. La nature a seule fait tous les frais de plantation et d’entretien de ces trois grands parcs, étagés à différentes hauteurs dans les montagnes Rocheuses. Le peuple américain s’est contenté de jeter un pont sur le désert, et de rapprocher par un chemin de fer de deux mille milles la métropole de son jardin préféré.
C’est ainsi encore que tout récemment, dans l’État de Californie, on découvrit une vallée sans pareille et connue jusqu’ici des seuls Indiens : la vallée de Yo Semite. N’allez pas croire au moins que ce soit en l’honneur des Sémites ou de la poésie orientale qu’elle s’appelle ainsi. Yo Sémite, ou plutôt Yo Se Mite, veut dire dans l’idiome de ces peuples : « le gros ours noir ». Le nom lui vient de quelque chef célèbre par ses exploits ou d’un fait de chasse resté fameux dans les annales de la tribu.
La découverte de ce jardin naturel, au milieu du pays de l’or, est curieuse. Les mineurs établis dans Maryposa et Tuolumne County avaient remarqué souvent la rapidité merveilleuse avec laquelle les Indiens disparaissaient après leurs attaques. Tout à coup, on perdait leurs traces dans le sud-est de la Sierra. Qu’étaient-ils devenus ? Nul ne pouvait le dire. Un trapper, plus hardi que les autres ou plus animé à la poursuite du gibier, se chargea de révéler le mystère. Ils étaient dans Yo Semite Valley. Là, protégés par des montagnes inaccessibles, avec des herbes fraîches et odorantes pour leurs chevaux, des rivières pleines de truites pour leur pêche, des ours, des cerfs et des chevreuils pour leur chasse, ils vivaient dans l’abondance au milieu de ce paradis dont ils avaient seuls les clefs.
Eh bien ! ce sont ces clefs que le peuple de Californie a voulu reprendre aux Indiens ; et il s’en est emparé moitié par surprise et moitié par violence. Au retour de Dow le trapper, une expédition s’organisa sous les ordres du capitaine Bolding. Les Indiens, surpris, furent massacrés ou dispersés. À peine aujourd’hui quelques wigwams de peaux de buffle s’aperçoivent-ils encore sous les grands arbres.
Aussitôt que la nouvelle fut à San-Francisco, on voulut voir cette mystérieuse vallée. Bientôt l’État de Californie manifesta l’intention de s’en emparer pour les plaisirs du public. La chose était facile, car rien n’y trahissait jusqu’alors la présence de l’homme : ni maisons, ni murs, ni indices de propriété privée ne s’y laissaient voir. Yo Semite était vierge de toutes ces choses et l’est encore. La flore californienne — la plus belle du monde – y déployait seule ses miracles de séduction et de grâce, y groupait ses plus riches et ses plus élégantes productions, en l’absence des hommes, sans se soucier d’eux, sans vouloir d’autres contemplateurs de ses œuvres qu’elle-même, l ‘éternelle, l’invisible. C’est le charme souverain de ces lieux, qu’ils n’appartiennent à personne. Res nullius.
Le Sénat et la Chambre des représentants des États-Unis, s’associant par un vote public au désir de l’État de Californie, viennent de passer un acte dont voici la teneur :
It be enacted. Il est légiféré par le Sénat et la Chambre des représentants des Etats-Unis d’Amérique, réunis en congrès, qu’il sera et qu’il est accordé à l’État de Californie la clef ou gorge du pic de granit des montagnes de la Sierra-Nevada, situé dans le comté de Maryposa, dans l’État précité, et les eaux supérieures de la rivière de la Merced, connues sous la nom de Yo Se-mite-Valley, avec ses branches et dépendances, d’une longueur estimée à 50 milles et d’une largeur d’un mille à partir de la principale crête du précipice, de chaque côté de la vallée, avec la stipulation expresse que ledit État l’acceptera avec la condition que les terres seront tenues pour l’usage public, le rendez-vous et la récréation du peuple, et seront inaliénables ; mais que des baux qui n’excéderont pas dix ans pourront être concédés pour une partie des dites terres. Tous les revenus à provenir des concessions et privilèges seront dépensés pour entretenir et améliorer la propriété ou les routes qui y conduisent ; les limites à établir aux frais dudit État par l’inspecteur général des États-Unis en Californie, dont le plan officiel, affirmé par le commissaire du bureau général des Terres (General Land Office) constituera l’évidence du lieu, de son étendue et des limites de ladite gorge ; les lieux devant être administrés par le gouverneur de l’État, avec huit autres commissaires qui seront nommés par l’exécutif de la Californie, et qui ne recevront pas de compensations pour leurs services.
Quelques esprits chagrins s’étonneront d’un pareil acte législatif. Ils trouveront cette préoccupation mesquine et peu digne de la grande assemblée. Je déclare, quant à moi, qu’elle me semble admirable. Ce respect de la nature, cette affirmation des droits de la société sur toute terre vierge, sur toute oasis spontanée, émergeant au milieu du désert, cette consécration de cette terre ainsi découverte a un usage public, respirent un sentiment esthétique des plus élevés et sont d’un grand peuple. Voilà un législateur qui comprend dignement sa mission principale : celle d’élever et d ‘enseigner les hommes. Ce legs, fait par le Congrès à l’État de Californie à perpétuité et avec les clauses qui y sont contenues, est la charte de l’amélioration du peuple. Il implique dans la pensée de ses auteurs une noble préoccupation des intérêts moraux et du bien-être de tous. Si nos assemblées politiques s’inspiraient de ces idées et de ces sentiments, elles seraient sans doute un peu moins stériles dans leur lutte contre l’haussmanisme.
L’idée de jardins des Dieux, de parcs naturels consacrés aux récréations et aux délices de tout un peuple est bien digne de la grande République, qui a toujours mis le bonheur du peuple comme le but suprême et qui a proclamé, par la bouche de Jefferson, que tous les hommes sont égaux devant la nature. Cette idée-là fera son chemin dans le monde.
L’humanité, poursuivie par ces rêves de l’âge d’or, voudra s’initier de plus en plus à ces splendeurs des paradis perdus et retrouvés. Sans doute, sur d’autres points du monde, il existe de tels parcs naturels qu’il serait facile de mettre à la portée du grand nombre ; mais il était réservé à l’État de Californie de découvrir dans un pli de la Sierra le véritable Eldorado moderne.
Lorsque j’emploie ce terme, aujourd’hui banal, d’Eldorado, qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas pour signifier le pays des mines ni pour qualifier le grand excitement et le débordement de passions brutales et de crimes que la découverte de l’or amenait forcément après elle. Je ne parle ici que de cette excitation salutaire qui naît de la contemplation du beau et de la vue d’une riche nature pour corriger les hommes et pour améliorer les mœurs encore grossières de ces populations de l’Ouest.
C’est pour cela qu’il faut louer l’État de Californie d’avoir accepté ce legs aux clauses et conditions qui lui étaient imposées, d’en avoir aussitôt fait dresser l’inventaire par une commission de savants et d’explorateurs, d’en avoir confié la garde et l’entretien aux hommes les plus éclairés et les plus recommandables.
De son côté, le gouvernement et le peuple des États-Unis (on ne sépare jamais l’un de l’autre en Amérique) ne négligeaient rien pour assurer le triomphe de cette idée. Le tracé du premier chemin de fer du Pacifique, qui traverse les montagnes Rocheuses et la Sierra-Nevada de part en part, ce tracé, tant critiqué d’abord, ne s’expliquerait pas sans un double but commercial et philanthropique, qui marque la plupart des entreprises américaines et leur donne un caractère de grandeur en même temps que d’utilité. Les documents de ce magnifique travail, préparés par une exploration de cinq années dans le grand bassin central et les Cordillères de la Californie, font foi de ce que j’avance. Aperire terram gentibus, suivant la devise de la Bible, tel a bien été le but poursuivi dès l’origine et désormais atteint. Car la grande concession, celle véritablement faite au peuple américain depuis l’établissement du Central-Pacific, n’est point limitée par tel ou tel sommet de la Sierra. Elle comprend bien réellement les Cordillères de l’Ouest dans toute leur étendue.
Oui, la Californie tout entière, y compris l’Orégon et la Colombie, est un beau parc donné à l’homme par la nature.
L’homme a commencé, comme l’enfant, par mordre sa nourrice ; il s’est jeté sur elle comme sur une proie ; il lui a demandé de l’or, il l’a dépouillée de sa grâce et de sa beauté pour en avoir. Que voulez-vous, l’homme est un enfant ingrat, indigne d’un tel don.
Mais l’âge viendra où il saura reconnaître ce bienfait. Déjà le gouvernement des Etats-Unis l’a mis sur la voie en lui facilitant le voyage, en lui donnant l’usufruit de ces lieux, mais en lui en interdisant l’abus.
Voyez cet admirable chemin de fer suspendu au-dessus des abîmes et filant le long des rampes de la Sierra-Nevada. Qui l’aurait cru possible, il y a quatre ans, se serait attiré en Californie même l’épithète de damned fool. Aujourd’hui ce chemin a mis San-Francisco à sept jours de New-York. Il y a quinze ans, l’émigrant qui s’efforçait d’atteindre ces lieux par terre, risquait sa vie et s’exposait à de longues fatigues et à d’insupportables souffrances. La route est encore jonchée de tombes et de souvenirs funèbres. Aujourd’hui deux trains, dont l’un d’émigrants, montent et descendent chaque jour ces pentes si longtemps inaccessibles, et le conduisent d’un océan à l’autre pour cinquante dollars. Et déjà le peuple américain trouve la route du Pacifique trop encombrée et médite deux autres passages à travers les cordillères, l’un au nord et l’autre au sud.
Cette gigantesque entreprise, qui inspi- rait récemment, comme M. de Girardin l’a fait remarquer ici même, un regret habilement dissimulé sous un éloge clans le discours du trône, est la plus hardie conception des temps modernes. Jusqu’ici ce vaste continent de l’Amérique du Nord était scindé en deux parties : à l’est les États de l’Atlantique avec leurs cités industrieuses et commerçantes ; à l’ouest, les États du Pacifique avec leurs richesses et leurs beautés naturelles. Le nouveau chemin de fer a été le trait d’union de tout un monde : il a consommé l’alliance définitive d’une grande nation avec la riche nature et la sublime poésie de l’Ouest. Mais ce qu’on ne saurait trop admirer, c’est la coïncidence de l’établissement de l’Union-Pacific avec la découverte et l’affectation des grands parcs naturels du Colorado et de l’État de Californie aux délices du peuple américain. C’est là le trait particulier au génie de ce peuple et de son gouvernement, si essentiellement populaire, que j’ai voulu mettre dans tout son jour, afin de susciter une noble émulation parmi les gouvernements européens, qui croient avoir assez fait lorsqu’ils ont percé des rues et ouvert de nouveaux boulevards.
Déjà les savants, les artistes et les politiques (témoin le vice-président des États-Unis, M. Colfax, avec lequel je me suis rencontré dans ce voyage) accourent avec les marchands et les Chinois dans ces lieux prédestinés ; mais ils n’y sont que les avant-coureurs du peuple lui-même et comme les pionniers de ses plaisirs. Le jour approche où l’ouvrier des villes et des ports, fatigué de ses travaux, où l’émigrant, enrichi par le négoce ou par l’agriculture, viendra demander sa part de ces plaisirs, et se dirigera vers ce lieu de récréations et de repos que lui a donné le Congrès et que lui prépare l’État de Californie.
Honneur donc aux représentants de la grande nation ! Ceux-là ont compris la dignité et la beauté d’un peuple moderne, qui le convient à ces récréations sublimes, à ces noces éternelles avec la Nature dans les jardins de l’Infini.
A. FOUCHER DE CAREIL.
Louis-Alexandre Foucher de Careil, « Les grands parcs du Colorado et de l’État de Californie », La Liberté, 2 janvier 1870.
Les quatre articles de La Liberté
Le premier article est daté de la « ville du lac Salé, chez les Mormons, 11 août 1869 », le second de « Mount-Vernon, 14 octobre 1869 », les deux derniers sont peut-être postérieurs au retour en France.
— « De l’Atlantique au Pacifique », 18 septembre 1869 ;
— « Une visite au tombeau de Washington », 14 octobre 1869 ;
— « De l’Atlantique au Pacifique, II », 27 novembre 1869 ;
— « Les grands parcs du Colorado et de l’État de Californie », 2 janvier 1870.
Un compte rendu du Yosemite Book dans Le Globe (janvier-février 1870)
Dans ses livraisons de janvier-février 1870, la revue de la Société de géographie de Genève donne un compte rendu du Yosemite Book (1868) et rappelle l’origine de l’ouvrage.
The Yosemite book ; Geological Survey of California. — Le livre de Yosemité [1], extrait de l’exploration géologique de la Californie par J. D. Whitney, géologue officiel ; description de la vallée de Yosémité, de la région adjacente de la Sierra Nevada et des Grands Arbres de Californie, accompagnée de cartes et de photographies, publiée avec permission de la législature. New-York, Julius Bien, 1868.
On a déjà publié, en Amérique du moins, bien des notices sur les localités mentionnées dans le litre de cet ouvrage ; mais, à l’exception d’une courte notice accompagnant le rapport officiel du géologue de l’État, ces documents n’ont guère eu le mérite de l’exactitude et le caractère d’une valeur durable. L’origine de ce volume est le résultat d’un décret du Congrès américain, qui remonte déjà à l’année 1864, et dont la substance était que « la gorge » située aux flancs de la montagne granitique de la Sierra Nevada, dans le comté de Mariposa et les sources de la rivière Merced connues sous le nom de Vallée de Yosémité, avec ses branches et ses ramifications sur une longueur de quinze milles environ et une largeur moyenne d’un mille en arrière de la crête du précipice qui limite la vallée, de chaque côté, sont concédées à l’État de Californie; avec cette condition toutefois que cette propriété restera inaliénable à perpétuité, et que la jouissance en restera assurée au public, pour sa récréation ; l’État de Californie s’interdisant d’en donner à bail aucune portion pour un terme de plus de dix années et s’engageant à consacrer le revenu de ces baux à l’embellissement et à l’entretien de la vallée et des routes qui y conduisent. La même concession s’étend aux districts nommés les Grands Arbres de Mariposa sur une étendue de quatre « sections » au plus, avec les mêmes réserves.
M. Low, gouverneur de l’état de Californie, prit immédiatement possession des deux districts concédés, nommant des commissaires chargés de leur entretien, et interdisant pour l’avenir tous dégâts et toute coupe de bois. Une carte de la vallée de Yosémité fut immédiatement levée par M. Gardner, sur une échelle assez grande pour indiquer les moindres détails topographiques de la vallée de Yosémité. Elle se trouve annexée au présent volume.
Cette concession de terres et ses réserves nous semblent faire le plus grand honneur au sens qui distingue la race anglo-saxonne et les Américains autant qu’aucun de leurs congénères et les rend admirateurs des beautés de la nature. Dans la législature californienne un acte fut passé pour accepter avec toutes ses clauses la concession fédérale. Il y était en outre enjoint au géologue de l’État, d’en compléter l’exploration géographique et géologique, d’en publier une carte et une description, en indiquant les facilités et les travaux nécessaires pour rendre accessibles au public les beautés de la vallée de Yosémité.
En conséquence de ce décret, une Commission composée de MM. King, Whitney, Gardner, Bolander et Brinley, travailla sur le terrain, de Juin à la fin d’Octobre de l’année 1866, dans la région des sources des rivières Merced, Tuolumne et Saint-Joachim, et dans toute la partie supérieure de la Sierra Nevada comprise entre 37° 30′ et 38° de latitude septentrionale, et dont l’accès est plus facile depuis la vallée de Yosémité. L’achèvement de ce travail construit sur l’échelle de deux pouces pour un mille, nécessita encore la coopé¬ ration de M. l’ingénieur Hoffmann, pendant les mois d’Août et de Septembre de l’année 1867, et la carte fut mise entre les mains du graveur au printemps de 1868.
La Commission exploratrice a eu la bonne fortune de s’adjoindre deux photographes, M. W. Harris et sur tout M. G.-E. Walkins déjà connu par la publication d’une collection de vues des côtes californiennes de l’Océan Pacifique. Parmi la série nombreuse des vues photographiées par ces artistes l’auteur en a choisi 28, dont 24 exécutées par M. Watkins, et en a fait, dans la rédaction du Yosémité Book le complément de la description de la carte ; complément, avouons-le, qui lui donne une valeur inestimable. Mais, comme M. Watkins n’a consenti à en céder qu’un nombre restreint d’épreuves, cet ouvrage n’a été tiré qu’à 250 exemplaires, d’un prix excessivement élevé, nombre qui est bien plus restreint aux Etats-Unis qu’il ne le paraîtrait en France, où le public soutient la librairie d’un concours beaucoup moins généreux et moins général que ne le font les Américains.
Sur ce petit nombre de 250 exemplaires du Yosémité Book, auxquels aspiraient trente millions d’Américains, amis de la lecture, un a passé l’Océan, pour être offert à la Société de Géographie de Genève, par un de ses plus zélés membres correspondants, M. F. Berton, à San Francisco. Ce don généreux mérite de notre part un examen proportionné à la somme de jouissances que sa lecture promet aux membres de la Société. […]
[1] Nous avons adopté ici, après l’orthographe américaine du nom de Yosemite la prononciation locale qui nous a été enseignée par des colons de Californie.
Paul Chaix, « The Yosemite book ; Geological Survey of California », Le Globe, journal géographique, organe de la Société de géographie de Genève pour ses mémoires et bulletins, tome IX, 1re et 2e livraisons, janvier-février 1870, pp. 60-86.
The Yosemite book ; Geological Survey of California (Internet Archive)
Loi autorisant la concession à l’État de Californie de la vallée de Yosemite (30 juin 1864)
Dans Yosemite: Its Wonders and Its Beauties (1868), John S. Hittell écrit : « The language of this statute deserves no commendation; it is not elegant in grammar nor correct in topography. No place deserves to be called “the granite peak of the Sierra Nevada;” Yosemite is not situated in a peak; it is not a cleft, and the name is not spelled properly “Yo-Semite.” In the first clause of the second sentence the subject noun in the nominative has no verb agreeing with it in number and person as it should. However, its faults are mere trifles. »
CHAP. CLXXXIV. — An Act authorizing a Grant to the State of California of the « Yo-Semite Valley, » and of the Land Embracing the « Mariposa Big Tree Grove. »
Be it enacted by the Senate and House of Representatives of the United States of America in Congress assembled, That there shall be, and is hereby, granted to the State of California the « Cleft » or « Gorge » in the granite peak of the Sierra Nevada Mountains, situated in the county of Mariposa, in the State aforesaid, and the headwaters of the Merced River, and known as the Yo-Semite Valley, with its branches or spurs, in estimated length fifteen miles, and in average width one mile back from the main edge of the precipice, on each side of the valley, with the stipulation, nevertheless, that the said State shall accept this grant upon the express conditions that the premises shall be held for public use, resort, and recreation; shall be inalienable for all time; but leases not exceeding ten years may be granted for portions of said premises. All incomes derived from leases of privileges to be expended in the preservation and improvement of the property, or the roads leading thereto; the boundaries to be established at the cost of said State by the United States surveyor-general of California, whose official plat, when affirmed by the commissioner of the general land office, shall constitute the evidence of the locus, extent, and limits of the said cleft or gorge; the premises to be managed by the governor of the State with eight other commissioners, to be appointed by the executive of California, and who shall receive no compensation for their services.
SEC. 2. And be it further enacted, That there shall likewise be, and there is hereby, granted to the said State of California the tracts embracing what is known as the « Mariposa Big Tree Grove, » not to exceed the area of four sections, and to be taken in legal subdivisions of one quarter section each, with the like stipulation as expressed in the first section of this act as to the State’s acceptance, with like conditions as in the first section of this act as to inalienability, yet with same lease privilege; the income to be expended in preservation, improvement, and protection of the property; the premises to be managed by commissioners as stipulated in the first section of this act, and to be taken in legal sub-divisions as aforesaid; and the official plat of the United States surveyor-general, when affirmed by the commissioner of the general land office, to be the evidence of the locus of the said Mariposa Big Tree Grove.
APPROVED, June 30, 1864.
The Statutes at Large, Treaties, and Proclamations, of the United States of America. From December 1863, to December 1865, vol. 13 (1864-1865), 38th Congress, Boston, Little, Brown and Company, 1866, p. 325.
Traduction française
CHAP. CLXXXIV. — Loi autorisant la concession à l’État de Californie de la « vallée de Yosemite » et des terres entourant le « bois des Grands-Arbres de Mariposa »
Le Sénat et la Chambre des représentants des États-Unis d’Amérique réunis en Congrès ont décidé ce qui suit :
Art. 1er. — Il sera, et il est par la présente, attribué à l’État de Californie la « fracture » ou la « gorge » dans le pic de granit des montagnes de la Sierra Nevada, située dans le comté de Mariposa, dans l’État susdit, et le cours supérieur de la rivière de la Merced, et connues sous le nom de vallée de Yo-Semite, avec ses branches ou ses crêtes, sur une longueur estimée de cinquante milles, et dans une largeur d’un mille depuis l’arête principale du précipice, de chaque côté de la vallée, avec la stipulation néanmoins que ledit État acceptera cette concession sous les conditions expresses de réserver les lieux à l’usage public, au séjour et à la détente ; qu’elle sera à jamais inaliénable ; mais que des baux qui n’excéderont pas dix ans pourront être concédés pour une partie desdites terres. Tous les revenus provenant des baux de privilège seront employés à la préservation et à l’amélioration du domaine, ou des routes qui y mènent ; les limites à établir le seront aux frais dudit État par l’arpenteur général des États-Unis en Californie, et son plan officiel, après confirmation par le Bureau général des terres, tiendra lieu de preuve pour l’emplacement, l’étendue et les limites de la ladite fracture ou gorge ; les lieux seront administrés par le gouverneur de l’État, avec huit autres commissaires, qui seront nommés par le pouvoir exécutif de Californie, et ne recevront aucune indemnité pour leur mission.
Art. 2. — Il est en outre décidé qu’il sera aussi, et qu’il est par la présente, attribué audit État de Californie les terres entourant ce qui connu sous le nom de « bois des Grands-Arbres de Mariposa », sans dépasser la superficie de quatre sections, et devant être prises par subdivisions légales d’un quart de section chacune, avec la même stipulation que celle formulée dans le premier article de la présente loi quant à l’acception par l’État, avec les mêmes conditions que dans le premier article de la présente loi quant à l’inaliénabilité, mais avec le même privilège de bail ; les revenus seront employés à la préservation, l’amélioration, et la protection du domaine ; les lieux seront administrés par des commissaires comme stipulé dans le premier article de la présente loi, et seront pris dans les subdivisions légales, comme indiqué précédemment ; et le plan officiel de l’arpenteur général des États-Unis, après confirmation par le Bureau général des terres, tiendra lieu de preuve pour l’emplacement dudit bois des Grands-Arbres de Mariposa.
APPROUVÉ, le 30 juin 1864.