Bilan et mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
Le Parti communiste français se présente à la Libération comme le « parti des fusillés ». Le 22 octobre 1944, il organise une « journée des martyrs » qui commémore l’assassinat par les Allemands, trois ans auparavant, des vingt-sept otages de Châteaubriant (Loire-Inférieure). Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste, s’exprime le même jour depuis Moscou, dans une allocution radiodiffusée. Les vingt-sept otages sont fusillés après l’exécution d’un officier allemand par des résistants communistes, à Nantes, le 20 octobre, mais le Parti communiste n’est pas « résistant », à proprement parler, au début de la guerre. En septembre 1939, après la signature du pacte germano-soviétique, il adopte la ligne fixée par l’Internationale communiste, dénonce la « guerre impérialiste » et se prononce pour la conclusion d’une « paix immédiate ». Il fait l’objet d’une répression de la part de la IIIe République : interdiction de la presse communiste, dissolution du Parti, déchéance des députés communistes, arrestations. À la Libération, le Parti communiste s’emploie à montrer que son entrée dans la lutte est précoce en associant dans un même hommage les communistes arrêtés au début de la guerre par la IIIe République ou par Vichy et les communistes qui s’engagent massivement dans la Résistance à partir de juin 1941. À l’appel du 18 Juin, il oppose son appel du 10 Juillet (1940), le premier sur le sol national, en lui donnant un sens qu’il n’avait peut-être pas : non pas un appel à la Résistance contre l’occupation allemande, mais une condamnation de la « guerre impérialiste », du gouvernement de Vichy et de l’impérialisme britannique.
Chronologie indicative
23 août 1939. — Pacte germano-soviétique.
26 août 1939. — Saisie et interdiction du journal L’Humanité.
2 septembre 1939. — Le parti communiste vote les crédits de guerre avant de se conformer à la position soviétique : dénonciation de la guerre impérialiste, des bourgeoisies française et britannique.
26 septembre 1939. — Dissolution du Parti communiste-SFIC.
28 septembre 1939. — Formation du « groupe ouvrier et paysan français » à la Chambre des députés ; traité germano-soviétique d’amitié et de délimitation des frontières, lequel propose de mettre fin à l’état de guerre.
1er octobre 1939. — Lettre du « groupe ouvrier et paysan » au président de la Chambre qui demande la conclusion d’une paix immédiate.
4 octobre 1939. — Désertion de Maurice Thorez ; il rejoint l’Union soviétique au début de novembre 1939.
8 octobre 1939. — Arrestation de trente-neuf députés du « groupe ouvrier et paysan ».
10 octobre 1939. — Arrestation de Prosper Môquet, député communiste, père de Guy Môquet.
26 octobre 1939. — Publication du premier numéro de L’Humanité clandestine.
21 février 1940. — Déchéance des députés communistes.
17 juin-27 août 1940. — Négociations pour la reparution légale de L’Humanité.
13 octobre 1940. — Arrestation de Guy Môquet, fils de Prosper Môquet.
16 mai 1941. — Guy Môquet est transféré au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-inférieure).
27 mai 1941. — Conformément à la directive du Komintern du 26 avril, le Parti communiste annonce la formation d’un « Front national » dans un manifeste daté du 15 mai 1941.
22 juin 1941. — Attaque allemande contre l’Union soviétique
Été 1941. — Création des « Bataillons de la jeunesse », formation armée des Jeunesses communistes.
21 août 1941. — Attentat du métro Barbès ; le communiste Pierre Georges exécute un officier allemand ; il prend par la suite le nom de « colonel Fabien ».
20 octobre 1941. — Exécution à Nantes d’un officier allemand par trois résistants communistes.
22 octobre 1941. — Assassinat de cinquante otages, en fait quarante-huit : vingt sept à Châteaubriant, seize à Nantes et cinq au Mont-Valérien.
Printemps 1942. — Création des « Francs-tireurs et partisans français ».
15 mai 1943. — Dissolution du Komintern ; le PC prend le nom de PCF.
4 avril 1944. — Entrée de deux communistes au sein du CFLN, François Billoux et Fernand Grenier.
22 octobre 1944. — « Journée des martyrs ».
30 novembre 1944. — Retour en France de Maurice Thorez.
21 octobre 1945. — Référendum et élection d’une Assemblée constituante.
21 novembre 1945. — Maurice Thorez devient ministre d’État dans le deuxième cabinet de Gaulle.
L’annonce de la commémoration dans L’Humanité du 21 octobre 1944
GALLICA – BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE
L’allocution prononcée par Maurice Thorez sur Radio Moscou le 22 octobre 1944
Le texte de l’allocution est reproduit dans L’Humanité du 25
« La plupart de ces héros de Châteaubriant avaient été frappés par la répression dès la “drôle de guerre”. Ils avaient […] commis le crime d’être demeurés fidèles à la France et la République, d’avoir dénoncé et combattu, bien avant la guerre, le complot hitlérien contre la France. […]
« Puisse le rappel de ces vérités confondre les calomniateurs qui, tantôt dénient l’action patriotique des militants antifascistes mis hors la loi au début de la “drôle de guerre” ; tantôt osent parler du sacrifice de nos martyrs comme d’un rachat de prétendues fautes, tantôt enfin acceptent de louer les morts pour continuer à calomnier les vivants. »
Maurice Thorez, « Notre serment aux morts de Châteaubriant », L’Humanité, 25 octobre 1944.