« Le 7 novembre 1918, lorsque le caporal clairon Pierre Sellier sonna le premier cessez-le-feu, vers 10 heures du matin, bien des hommes ne purent y croire… » N’est-ce pas plutôt dans la soirée, entre 20 h 20 et 21 h, après l’arrivée des automobiles de la délégation allemande devant les premières lignes françaises ?
Le clairon conservé au musée de l’Armée porte l’inscription suivante :
« Clairon de la victoire
« La Capelle
« 7 novembre 1918, 21 heures
« Pierre Sellier, caporal
« au 171e régiment d’infanterie »
Clairon de l’armistice du 11 novembre 1918 — Musée de l’Armée
50:15
Le discours du président de la République
« Le 7 novembre 1918, lorsque le caporal clairon Pierre Sellier sonna le premier cessez-le-feu, vers 10 heures du matin, bien des hommes ne purent y croire, puis sortirent lentement de leurs positions, pendant que, de loin en loin, sur les lignes, les mêmes clairons répétaient le cessez-le-feu puis faisaient entendre les notes de la sonnerie aux morts, avant que les cloches ne répandent la nouvelle, à la volée, dans tout le pays.
« Le 11 novembre 1918, à 11 heures du matin, il y a cent ans, jour pour jour, heure pour heure, à Paris comme dans toute la France, les clairons ont retenti et les cloches de toutes les églises ont sonné.
« C’était l’armistice.
« C’était la fin de quatre longues et terribles années de combats meurtriers. L’armistice pourtant n’était pas la paix. Et à l’Est, pendant plusieurs années, d’effroyables guerres se poursuivirent.
« Ici, ce même jour, les Français et leurs Alliés ont célébré leur victoire. Ils s’étaient battus pour leur patrie et pour la liberté. Ils avaient consenti, pour cela, tous les sacrifices et toutes les souffrances. Ils avaient connu un enfer que nul ne peut se représenter.
« Nous devrions prendre un instant pour faire revenir à nous cet immense cortège des combattants où défilent des soldats de la métropole et de l’empire, des légionnaires et des garibaldiens avec des étrangers venus du monde entier, parce que la France représentait, pour eux, tout ce qu’il y avait de beau dans le monde.
« Avec les ombres de Peugeot, premier tombé, et de Trébuchon, dernier mort pour la France dix minutes avant l’armistice, voici l’instituteur Kléber Dupuy, défenseur de Douaumont, Apollinaire, Blaise Cendrars au régiment de marche de la légion étrangère, les soldats des régiments basques, bretons ou marseillais, le capitaine de Gaulle que personne alors ne connaissait, Julien Green, l’Américain, à la porte de son ambulance, Montherlant et Giono, Charles Péguy et Alain Fournier tombés dans les premières semaines, Joseph Kessel venu d’Orenbourg en Russie.
« Et tous les autres, tous les autres qui sont les nôtres, auxquels plutôt nous appartenons, et dont on peut lire les noms sur chaque monument, des hauteurs solaires de la Corse aux vallées des Alpes, de la Sologne aux Vosges, de la pointe du Raz à la frontière espagnole. Oui, une seule France, rurale et urbaine, bourgeoise, aristocratique et populaire, de toutes les couleurs où le curé et l’anticlérical ont souffert côte à côte et dont l’héroïsme et la douleur nous ont faits.
« Durant ces quatre années, l’Europe manqua de se suicider. L’humanité s’était enfoncée dans le labyrinthe hideux d’affrontements sans merci, dans un enfer qui engloutit tous les combattants, de quelque côté qu’ils soient, de quelque nationalité qu’ils soient.
« Dès le lendemain, dès le lendemain de l’armistice, commença le funèbre décompte des morts, des blessés, des mutilés, des disparus. Ici en France, mais aussi dans chaque pays, les familles pendant des mois attendirent en vain le retour d’un père, d’un frère, d’un mari, d’un fiancé, et parmi ces absents, il y eut aussi ces femmes admirables engagées auprès des combattants.
« Dix millions de morts.
« Six millions de blessés et mutilés.
« Trois millions de veuves.
« Six millions d’orphelins.
« Des millions de victimes civiles.
« Un milliard d’obus tirés sur le seul sol de France.
« Le monde découvrit l’ampleur de blessures que l’ardeur combattante avait occultée. Aux larmes des mourants, succédèrent celles des survivants. Car sur ce sol de France, le monde entier était venu combattre. Des jeunes hommes de toutes les provinces et de l’Outre-mer, des jeunes hommes venus d’Afrique, du Pacifique, des Amériques et d’Asie sont venus mourir loin de leur famille dans des villages dont ils ne connaissaient pas même le nom.
« Les millions de témoins de toutes les nations racontèrent l’horreur des combats, la puanteur des tranchées, la désolation des champs de bataille, les cris des blessés dans la nuit, la destruction de campagnes florissantes où ne subsistait plus que la silhouette calcinée des arbres. Beaucoup de ceux qui sont rentrés avaient perdu leur jeunesse, leurs idéaux, le goût de vivre. Beaucoup étaient défigurés, aveugles, amputés. Vainqueurs et vaincus furent alors plongés pour longtemps dans le même deuil.
« 1918, c’était il y cent ans. Cela semble loin. Et pourtant, c’était hier ! »
[…]
Le texte intégral du discours sur le site de la représentation permanente de la France auprès des Nations unies à New York :
Commémoration du centenaire de l’armistice
Discours du président de la République française, M. Emmanuel Macron
Paris — 11 novembre 2018
Discours du Président de la République au centenaire de l’armistice du 11 novembre 1918
An English translation of the speech
“On 7 November 1918, when Bugle Corporal Pierre Sellier sounded the first ceasefire at around 10 a.m., many soldiers couldn’t believe it; they then emerged slowly from their positions while, in the distance, the same bugle calls repeated the ceasefire and then the notes of the Last Post, before church bells spread the news throughout the country.
“On 11 November 1918, at 11 a.m., 100 years ago to the day and the hour, in Paris and throughout France, the bugles sounded and the bells of every church rang out.
“It was the Armistice.
“It was the end of four long and terrible years of deadly fighting. And yet the Armistice didn’t mean peace. And in the east, for several years, appalling wars continued.
“Here, that same day, the French and their allies celebrated their victory. They had fought for their homelands and for freedom. To that end, they had agreed to every sacrifice and every kind of suffering. They had experienced a hell that no one can imagine.
“We should take a moment to remember that huge procession of soldiers from metropolitan France and the empire, legionnaires and Garibaldians, and foreigners who had come from all over the world because, for them, France represented everything decent in the world.
“Alongside the shadows of Peugeot, the first soldier to fall, and Trébuchon, the last to die for France 10 minutes before the Armistice, they include the primary schooteacher Kléber Dupuy who defended Duaumont, Apollinaire, Blaise Cendrars in the Marching Regiment of the Foreign Legion, soldiers from the Basque, Breton and Marseille regiments, Captain de Gaulle, whom nobody knew then, Julien Green the American at the door of his ambulance, Montherlant and Giono, Charles Péguy and Alain Fournier who fell in the first weeks, and Joseph Kessel who had come from Orenburg in Russia.
“And all the others, all the others who are ours, or rather to whom we belong and whose names we can read on every monument, from the sunny mountains of Corsica to the Alpine valleys, from Sologne to the Vosges, from the Pointe du Raz to the Spanish border. Yes, a single France, rural and urban, middle-class, aristocratic and working-class, of all hues, where priests and anti-clericals suffered side by side and whose heroism and pain made us what we are.
“During those four years, Europe very nearly committed suicide. Mankind was plunged into a hideous maze of ruthless battles, a hell that swallowed up every soldier, whatever side they were on and whatever their nationality.
“From the next day, the day after the Armistice, the grim count began of the dead, the wounded, the maimed and the missing. Here in France, but also in each country, families waited in vain for months, for the return of a father, a brother, a husband, a fiancé, and those missing people also included the admirable women who worked alongside the soldiers.
“Ten million dead.
“Six million wounded and maimed.
“Three million widows.
“Six million orphans.
“Millions of civilian victims.
“A million shells fired on French soil alone.
“The world discovered the scale of the wounds concealed by the fervour of fighting. The tears of the dying were replaced by those of the survivors, because the whole world had come to fight on French soil. Young men from every province and from overseas France, young men from Africa, the Pacific, the Americas and Asia came to die far from their families, in villages whose names they didn’t even know.
“The millions of witnesses from every nation recounted the horror of the fighting, the stench of the trenches, the desolation of the battlefields, the cries of the wounded in the night, and the destruction of lush landscapes until all that remained were the charred silhouettes of trees. Many of those who returned had lost their youth, their ideals, the joy of living. Many were disfigured, blind, amputated. For a long time, winners and losers mourned equally.
“1918 was 100 years ago. It seems far away. And yet it was only yesterday!”
[…]
La traduction en anglais du discours sur le site de la représentation permanente de la France auprès des Nations unies à New York :
Commemoration of the Centenary of the Armistice
Speech by M. Emmanuel Macron, President of the Republic
Paris — 11 November 2018
Emmanuel Macron’s speech at Commemoration of the centenary of the Armistice
Voir également :
10 novembre 1918. — Centenaire de l’armistice : cérémonie franco-allemande de Rethondes