Les États-Unis et le monde dans les années 1990

Les États-Unis et le monde depuis les « Quatorze Points » du président Wilson


ÉTUDE CRITIQUE DE DOCUMENTS

Les États-Unis et le monde dans les années 1990

Montrer que les deux documents témoignent de la place acquise par les États-Unis dans le monde des années 1990, mais qu’ils en donnent deux présentations différentes.

Document 1 : une allocution du président Clinton (14 septembre 1993)

Signature des annexes à l’Aléna : Ford, Carter, Bush, Clinton

Le président s’exprime à la Maison-Blanche, en présence des anciens présidents Ford, Carter et Bush, à l’occasion de la signature des annexes à l’Accord de libre-échange nord-américain.

 

Hier, nous avons vu disparaître un monde ancien : dans l’espoir et l’esprit de la paix naissait un monde nouveau. Des peuples qui, pendant une décennie, furent pris dans un cycle de guerre et de frustration, ont choisi l’espoir plutôt que la peur et pris un grand risque pour parvenir à un avenir meilleur.

Aujourd’hui, nous nous trouvons devant un défi pour notre propre hémisphère, notre propre pays, notre propre réussite économique. […]

De l’Aléna dépend notre aptitude à concurrencer l’Asie et l’Europe dans les prochaines décennies. Partout dans le monde, nos concurrents se renforcent en constituant d’énormes blocs commerciaux. Ce pacte établira une zone de libre-échange allant de l’Arctique aux tropiques, la plus grande du monde, un marché de 6,5 milliards de dollars avec 370 millions de personnes. Il aidera nos entreprises à être plus efficaces et à mieux concurrencer nos concurrents dans les autres parties du monde.

Il est indispensable à notre leadership dans cet hémisphère et dans le monde. Après avoir remporté la guerre froide, nous nous trouvons devant un défi plus subtil, celui de consolider la victoire de la démocratie, des chances de réussite et de la liberté. Pendant des décennies, nous avons plaidé et plaidé et plaidé pour une plus grande démocratie, pour un plus grand respect des droits de l’homme et pour des marchés plus ouverts en Amérique latine. L’Aléna lui offre enfin l’occasion d’en recueillir les fruits. […]

Dans un monde imparfait, nous avons quelque chose qui nous permettra d’avancer ensemble et de créer un avenir digne de nos enfants et de nos petits-enfants, digne de l’héritage de l’Amérique, et conforme à ce que nous avons fait à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Nous devons le faire à nouveau. Nous devons créer une nouvelle économie mondiale.

Allocution du président Clinton, Washington, 14 septembre 1993 (extraits).

North American Free Trade Agreement Signing — C-SPAN

Remarks at the Signing Ceremony… — The American Presidency Project


Document 2 : la une d’un numéro de Z Magazine (juillet-août 1998)

Œuvre d’Andy Singer, le dessin de une s’intitule « Invading New Markets ». Z Magazine est une publication de la gauche radicale américaine.

Z Magazine, New York, juillet-août 1998.


Éléments d’explication

1. De quelle photo historique le dessinateur s’inspire-t-il ? Expliquer. (Document 2.)

Le dessinateur s’inspire d’une photo prise lors de la bataille d’Iwo Jima (19 février-26 mars 1945).

— La photo représente l’érection du drapeau des États-Unis (23 février 1945), sur le mont Suribachi, après le débarquement d’Iwo Jima (19 février 1945).

— Le dessin reprend la scène à l’arrière-plan et lui ajoute des détails empruntés à des photos du débarquement : un navire de guerre, quelques avions de chasse, des barges de débarquement.

— En guerre contre le Japon depuis l’attaque contre Pearl Harbor (7 décembre 1941), les États-Unis s’engagent dans la reconquête du Pacifique à partir du début de 1943 : Iwo Jima se situe à mi-distance des Mariannes et du Japon ; c’est une position stratégique.

2. À quel événement l’orateur se réfère-t-il dans le passage suivant : « Hier, nous avons vu disparaître un monde ancien » ? Expliquer. (Document 1.)

Le président Clinton se réfère à la signature de la Déclaration de Washington (13 septembre 1993).

— La fin de la Guerre froide établit une hégémonie américaine au Proche et au Moyen-Orient, ce qui facilite la recherche de solutions négociées.

— Des négociations israélo-palestiniennes s’engagent au début des années 1990 (processus d’Oslo) dans des circonstances favorables : la reconnaissance par l’OLP du droit à l’existence de l’État d’Israël (1988-1989) ; la formation d’un gouvernement travailliste en Israël (1992) ; l’entrée en fonction du président démocrate Clinton (1993).

— La Déclaration de Washington (13 septembre 1993) prévoit la mise en œuvre en cinq ans du principe « la terre contre la paix », c’est-à-dire l’évacuation progressive des territoires occupés par Israël.

3. Comment l’orateur justifie-t-il la création de l’Aléna ? Expliquer. (Document 1.)

Le président Clinton affirme que l’ouverture des marchés bénéficierait à tous les partenaires.

— Elle serait à la fois le corollaire et la condition des progrès de la démocratie en Amérique latine.

— Elle serait aussi le moyen pour les États-Unis de préserver leurs intérêts alors que se constituent ailleurs dans le monde de vastes blocs commerciaux (signature du traité de Maastricht le 7 février 1992, entrée en vigueur le 1er novembre 1993).

4. Quel sens faut-il donner au dessin ? Expliquer. (Document 2.)

Le dessin est une allégorie du libre-échange inégal et de la conquête des marchés par les firmes transnationales états-uniennes.

— Il se réfère à la multiplication par les États-Unis des accords de libre-échange dans la première décennie de l’après-Guerre froide.

— Il compare la conquête des marchés à une opération militaire réglée par la loi du plus fort.

5. Le pouvoir de convaincre (soft power, « puissance douce ») apparaît-il dans les deux documents ? Expliquer. (Documents 1 et 2.)

Le pouvoir de convaincre apparaît plutôt dans le discours du président Clinton.

— Le président Clinton évoque l’héritage de l’Amérique, l’action des États-Unis tout au long du XXe siècle et la fin de la Guerre froide, présentée comme une victoire de la démocratie libérale et de l’économie de marché, une « fin de l’histoire ».

— Le dessin d’Andy Singer évoque certes l’action des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, comme la diffusion de leurs biens et services culturels et de leur culture de masse, mais par des moyens de force qui relèvent plutôt du pouvoir de contraindre.


Éléments de corrigé

1. DEUX DOCUMENTS QUI TÉMOIGNENT DE LA PLACE ACQUISE PAR LES ÉTATS-UNIS DANS LE MONDE DES ANNÉES 1990

Le discours et le dessin témoignent de la place des États-Unis dans le monde de l’après-guerre froide. Seule superpuissance depuis la disparition de l’Union soviétique, les États-Unis disposent dans les années 1990 d’une puissance sans commune mesure qui associe pouvoir de contraindre (hard power) et pouvoir de convaincre (soft power).

1.1. Le pouvoir de contraindre (hard power)

— La puissance militaire : la victoire de 1945, la course aux armements, la fin de la Guerre froide, etc.

— La puissance économique : la place des États-Unis dans la division internationale du travail et dans le commerce international, puissance des firmes états-uniennes.

1.2. Le pouvoir de convaincre (soft power)

La fin de la Guerre froide (document 1), présentée comme une victoire de la démocratie libérale et de l’économie de marché, l’action du président Clinton en faveur de la paix, l’action des États-Unis tout au long du XXe siècle, l’héritage de l’Amérique, etc.

2. DEUX DOCUMENTS QUI DONNENT DES ÉTATS-UNIS ET DE LEUR PLACE DANS LE MONDE UNE PRÉSENTATION DIFFÉRENTE

Le discours et le dessin donnent néanmoins de la puissance américaine une présentation différente : le discours du président Clinton est un plaidoyer en faveur du libre-échange, du modèle états-unien et de l’intégration américaine. Le second document délivre au contraire une critique radicale du libre-échange inégal et de la conquête des marchés par les firmes transnationales états-uniennes.

2.1. Un plaidoyer en faveur de l’ouverture des marchés

Le discours du président Clinton est un plaidoyer en faveur du libre-échange et de l’intégration américaine.

— L’intégration serait à la fois le corollaire et la condition des progrès de la démocratie en Amérique latine.

— Elle serait aussi le moyen pour les États-Unis de préserver leurs intérêts alors que se constituent ailleurs dans le monde de vastes blocs commerciaux (signature du traité de Maastricht le 7 février 1992, entrée en vigueur le 1er novembre 1993).

2.2. Une critique radicale du libre-échange inégal

Le second document, publié à la une d’un magazine de la gauche radicale états-unienne, est une critique du libre-échange, lequel est présenté comme un échange inégal, puisqu’il servirait avant tout les intérêts des grandes puissances économiques et de leurs firmes transnationales.

Les deux documents s’accordent néanmoins à considérer que le libre-échange est favorable aux firmes états-uniennes.