La puissance de l’État pendant les Trente Glorieuses

I. La puissance de l’État pendant les Trente Glorieuses
A. Un État pourvu d’ambitions nouvelles
1. Une légitimité ancrée dans la Résistance
2. Deux constitutions successives : IVe et Ve République
3. Des ambitions économiques et sociales
B. Un État entrepreneur qui favorise la croissance économique
1. Une planification indicative
2. Un secteur public puissant
3. Une administration compétente
C. Un État-providence qui garantit la cohésion sociale
1. La protection sociale
2. L’arbitrage des rapports sociaux
3. Instruction, formation et culture

LANGLOIS | CC BY-NC-ND 4.0


L’État-nation en France trouve son origine au Moyen Âge, mais sa construction se poursuit pendant plusieurs siècles, au cours des « temps modernes », c’est-à-dire sous l’Ancien Régime, et pendant la période contemporaine — depuis 1789, en France.

État. — Un État est un sujet de droit international, reconnu comme tel par les autres États, une personne morale titulaire de la souveraineté ; c’est une société politique pourvue d’un gouvernement et établie sur un territoire que délimitent des frontières.

Nation. — Une nation est une communauté dont les individus partagent un même sentiment d’appartenance, se réfèrent à une histoire, une langue et une culture communes, se rattachent à un même territoire, etc.

L’État moderne est une création de la monarchie : à partir du XIIIe siècle, affirmation du pouvoir royal, mise en place d’une fiscalité publique et d’une administration royale, formation et délimitation du territoire, apparition d’une société politique.

L’État moderne connaît une centralisation précoce : à partir du XVIe siècle, l’Ancien Régime et la montée de l’absolutisme, la Révolution et le jacobinisme, les deux Empires et la IIIe République.

En France, dit-on, l’État précède la nation ; en Allemagne ou en Italie, c’est l’inverse. C’est l’État qui donne son nom à la France : le roi des Francs devient le roi de France au tournant du XIIIe siècle et son royaume devient à son tour le royaume de France. C’est l’État qui construit la nation en lui donnant un territoire, une langue et une histoire commune : la Révolution française, la IIIe République et l’enracinement de culture républicaine, les guerres de la Révolution et de l’Empire, la Première Guerre mondiale, la Résistance et la refondation républicaine.

L’État en France occupe donc une place éminente, fondée sur l’histoire — la précocité de l’État-nation unitaire, l’ancienneté de la centralisation —, mais la France n’échappe pas à la mondialisation, un processus d’intégration des territoires et des économies qui se traduit par l’érosion des frontières et le repli de l’État. S’ajoute à la mondialisation deux processus qui conduisent l’État à abandonner une partie de ses prérogatives : l’intégration européenne et la décentralisation.

Quelle est la place de l’État en France depuis la Libération ? Comment exerce-t-il les pouvoirs qui sont les siens ? Quels rapports entretient-il avec la société ?

I. La puissance de l’État pendant les Trente Glorieuses

L’État rétabli à la Libération, après la défaite et l’Occupation, hérite d’une longue tradition centralisatrice et acquiert des fonctions nouvelles qui trouvent leur justification dans les idéaux de la Résistance et les épreuves de la guerre. Il fonde à nouveau la République, conduit la reconstruction de l’économie, contribue à la transformation du pays au cours des Trente Glorieuses.

A. Un État pourvu d’ambitions nouvelles

L’État rétabli à la Libération est pourvu d’ambitions nouvelles, des ambitions poursuivies par trois régimes successifs : le Gouvernement provisoire de la République française, la IVe République, la Ve République ; l’année 1958 marque sans doute une rupture, mais il existe aussi des continuités.

1. Une légitimité ancrée dans la Résistance

L’État rétabli à la Libération est républicain. Sa légitimité est démocratique, fondé sur le suffrage universel, conformément aux engagements pris pendant la guerre par de Gaulle ou par la Résistance. Dans le manifeste de Brazzaville (27 octobre 1940), de Gaulle s’engage à « rendre compte de [ses] actes aux représentants du peuple français dès qu’il lui aura été possible d’en désigner librement ». Dans le programme d’action de la Résistance (15 mars 1944), le CNR s’engage à assurer « l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ».

Le suffrage universel est désormais masculin et féminin. Le droit de vote et d’éligibilité des femmes est inscrit dans une ordonnance du CFLN du 21 avril 1944 : « Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. ». Les Françaises votent pour la première fois en avril 1945 à l’occasion des élections municipales (29 avril et 13 mai 1945) puis elles participent à tous les scrutins des années 1945 et 1946 : élections à la première Assemblée constituante (21 octobre 1945), premier référendum (5 mai 1946), élections à la seconde Assemblée constituante (2 juin 1946), second référendum (13 octobre 1946) et élections législatives (10 novembre 1946).

2. Deux constitutions successives : IVe et Ve République

La France connaît deux Constitutions successives, qui définissent différemment le gouvernement de la France, mais elles sont l’une et l’autre républicaines, fondées sur la souveraineté nationale et le suffrage universel ; elles témoignent du même volontarisme.

Les deux régimes sont différents. La Constitution du 27 octobre 1946 est parlementaire. L’Assemblée nationale, seule élue au suffrage direct, est prépondérante. C’est elle qui investit le président du Conseil désigné par le président de la République ; elle peut le renverser puisque celui-ci est responsable devant elle. La Constitution du 4 octobre 1958 reste parlementaire, mais elle renforce le pouvoir exécutif. Elle reste « parlementaire » puisque le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale. Elle renforce le pouvoir exécutif, celui du chef de l’État en particulier, élu au suffrage direct après la réforme de 1962. C’est un régime parlementaire à direction présidentielle, un régime parlementaire dualiste ou bi-représentatif, un régime semi-présidentiel, un régime sui generis, etc.

La personnalité du premier président de la Ve République, comme la pratique politique et le mode de scrutin législatif, accusent les différences. Le général de Gaulle est l’homme du « non du premier jour » (Malraux, 19 décembre 1964) et dispose d’une « rente de légitimité ». Sa conception des institutions, exposée dans les discours de Bayeux (16 juin 1946) et d’Épinal (29 septembre 1946) n’est pas celle des fondateurs de la IVe République. La pratique politique est strictement parlementaire sous la IVe République ; on reproche à de Gaulle d’exercer un « pouvoir personnel ». La IVe République opte pour le scrutin de liste départemental à un tour avec répartition des sièges à la proportionnelle, la Ve République pour le scrutin uninominal majoritaire.

Les deux régimes sont différents, mais la IVe République n’est pas complètement « impuissante ». Selon de Gaulle, la Constitution de la Ve République « donne une tête à l’État » (20 septembre 1962) ; elle rompt avec « la confusion et l’impuissance du régime d’antan, c’est-à-dire du régime exclusif des partis » (4 octobre 1962). La IVe République souffre sans doute d’instabilité ministérielle, mais son œuvre n’est pas dépourvue de continuité. Les mêmes hommes participent à des gouvernements successifs où ils exercent parfois les mêmes fonctions : Robert Schuman est ministre des Affaires étrangères pendant quatre ans et demi, du 26 juillet 1948 au 8 janvier 1953, sous dix chefs de gouvernements successifs, y compris lui-même. Or la France accomplit des choix fondamentaux sous son ministère : la construction européenne — la déclaration Schuman du 9 mai 1950, le traité de Paris sur la CECA du 18 avril 1951 — et l’alliance atlantique — le traité de l’Atlantique nord du 4 avril 1949.

La rupture de l’année 1958 n’est pas non plus totale. La Constitution de 1958 remplace celle de 1946, mais sans la rejeter dans son entier : le préambule de 1946 est mentionné dans le préambule de 1958 – comme la déclaration des droits de 1789 – et le Conseil constitutionnel lui donne une valeur constitutionnelle par la décision « Liberté d’association » du 16 juillet 1971. Les droits et les principes qui fondent la Constitution de la IVe République appartiennent donc au « bloc de constitutionnalité ». À partir de 1958, la Ve République gaullienne s’appuie sur des instruments ou des pratiques qui datent du Gouvernement provisoire et de la IVe République.

3. Des ambitions économiques et sociales

L’État républicain est investi de tâches nouvelles, inscrites dans des textes adoptés à la fin de la guerre ou dans l’immédiat après-guerre : le programme du Conseil national de la résistance, les deux projets de Constitution.

Le 15 mars 1944, le Conseil national de la résistance (27 mai 1943) adopte un programme de rénovation sociale — le « programme du CNR » — qui préconise la mise en œuvre de réformes de structures afin d’établir une « véritable démocratie économique et sociale ».

Le premier projet de constitution, rejeté le 5 mai 1946, comprend une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui prolonge celles de 1789, 1793, 1795 et 1848 ; elle réserve le second de ses titres aux « droits économiques et sociaux » Le second projet, adopté le 13 octobre 1946, se contente d’un préambule ; il reprend néanmoins la plupart des principes inscrits dans le premier projet.

La Libération constitue par conséquent un moment décisif : une nouvelle étape de la construction républicaine, le parachèvement d’un « modèle français » qui impose à l’État des devoirs économiques et sociaux, outre ses fonctions régaliennes au sens strict — rendre la justice, assurer la sécurité intérieure et extérieure.

B. Un État entrepreneur qui favorise la croissance économique

L’État en France pendant les Trente Glorieuses contribue à la croissance économique : il oriente l’activité par la planification, s’appuie sur un secteur public puissant, dispose d’une administration compétente et d’une statistique publique ; c’est un État interventionniste, sinon dirigiste, planificateur, entrepreneur et savant, sinon omniscient.

1. Une planification indicative

L’État conduit des politiques conjoncturelles et mène une action structurelle ; des politiques conjoncturelles, contracycliques, d’inspiration keynésienne : stimulation de l’activité si le chômage augmente, refroidissement si l’inflation menace ; une action structurelle, qui s’appuie sur la planification et sur l’aménagement du territoire.

Le plan est une création du Gouvernement provisoire. Le programme du CNR demande « l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État ». La Constitution de 1946 en mentionne l’existence et précise son objet : « le plein emploi des hommes et l’utilisation rationnelle des ressources matérielles. » Le Gouvernement provisoire, par un décret du 3 janvier 1946, crée un « conseil du plan » présidé par le président du Gouvernement provisoire et un « commissariat général du plan » dirigé par un commissaire général, Jean Monnet, nommé par décret le même jour. Le premier plan — ou plan Monnet — couvre la période 1947-1953. Son premier objectif, c’est la reconstruction : augmentation de la production, augmentation de la productivité, plein emploi, élévation du niveau de vie. Or c’est une réussite puisqu’il permet le relèvement de l’économie française ; lui succède un IIe plan qui couvre la période 1954-1957. La Ve République poursuit dans la même voie : le plan, selon de Gaulle, est une « ardente obligation » pour tous les Français (8 mai 1961). Préparé sous la IVe République, mais adopté en 1959 (19 mars 1959), le IIIe plan couvre la période 1958-1961 ; lui succèdent un IVe plan (1962-1965), un Ve plan (1966-1970) et un VIe plan (1971-1975). La planification française est souple, indicative et non pas impérative : le plan ne remplace pas le marché, mais s’efforce de programmer les investissements publics et d’orienter les choix économiques des entreprises.

L’État conduit en outre une politique d’aménagement du territoire ; conçue à l’origine de façon indépendante, elle s’inscrit dans la planification à partir des années 1960. La planification contribue à la croissance économique, mais présente l’inconvénient d’aggraver les déséquilibres régionaux signalés dès 1947 par le géographe Jean-François Gravier dans Paris et le désert français. La politique d’aménagement du territoire vise à corriger ces déséquilibres. Elle trouve son origine dans la création par le Gouvernement provisoire d’un ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (décret du 16 novembre 1944). La IVe République lui donne des orientations durables. Le décret du 5 janvier 1955, sous le gouvernement Mendès France, vise à « favoriser une meilleure répartition des industries sur l’ensemble du territoire » ; c’est l’ébauche de la politique de déconcentration industrielle. Un premier découpage régional intervient la même année 1955 : le décret du 30 juin 1955 crée des régions de programme. La Ve République poursuit dans cette voie et inscrit l’aménagement du territoire dans le cadre du plan. Les régions de programme deviennent des circonscriptions d’action régionale (décret du 7 janvier 1959) ; elles sont placées sous l’autorité d’un préfet de région (décret du 14 mars 1964). La création de la DATAR, en 1963, vise à renforcer l’efficacité des politiques conduites : c’est un organisme interministériel, placé sous l’autorité du Premier ministre et qui inscrit son action dans le cadre du plan.

2. Un secteur public puissant

L’État s’appuie sur un secteur public constitué à la Libération par des nationalisations sans précédent : ni les manufactures d’État créées par Colbert au temps de Louis XIV, ni les nationalisations du Front populaire ne donnent une telle place à l’État dans la production.

Les nationalisations de la Libération sont conformes au programme du CNR : réduire à néant les « grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie » ; assurer le « retour à la nation » des grands moyens de production, de l’énergie, des ressources du sous-sol, des assurances et des banques.

Leur principe est inscrit dans la Constitution de 1946 dont le préambule dispose : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » Elles répondent à des choix politiques, mais obéissent aussi à des motifs économiques : assurer la réhabilitation ou la modernisation de l’appareil de production, ce qui requiert des investissements massifs que seul l’État est en mesure de consentir — les houillères —, donner à l’État les moyens d’orienter l’économie — les banques de dépôt, l’énergie et les transports.

L’État crée en outre des institutions publiques de recherche : celle du CNRS est antérieure à la Seconde Guerre mondiale (décret-loi du 19 octobre 1939), mais l’institution est réorganisée dans l’immédiat après-guerre (ordonnance du 2 novembre 1945) ; celle de l’IGN date elle aussi de IIIe République, mais elle est postérieure à la défaite (décret du 27 juin 1940) ; celle du CEA date de 1945 (ordonnance du 18 octobre), celle de l’INRA de mars 1946 (loi du 18 mai).

3. Une administration compétente

L’État dispose d’une administration compétente. L’École libre des sciences politiques, née après la défaite de 1870, échappe à la nationalisation complète en 1945 : création d’un établissement public, l’Institut d’études politique de Paris, et d’une fondation de droit privé qui recueille le patrimoine de l’École et assure la gestion de l’Institut, la Fondation nationale des sciences politiques. L’École nationale d’administration est une création de la Libération (9 octobre 1945). On entend rompre avec le régime de Vichy, comme avec la IIIe République, jugée responsable de la défaite : il s’agit de contribuer à la réforme de l’État, de réformer la formation des élites administratives et de diversifier leur recrutement. Sa première promotion prend le nom de France combattante, ce qui témoigne à la fois de son attachement à la Résistance et de son volontarisme.

La « haute fonction publique » dispose d’une statistique publique dont les services sont réorganisés : les services du ministère des Finances, l’INSEE (loi de finances du 27 avril 1946), l’INED (ordonnance du 24 octobre 1945). Il s’agit de fournir à l’État des informations propres à éclairer ses décisions. Se constitue de la sorte un État savant, sinon omniscient, animé par une nouvelle élite administrative, qui entend rompre avec les pratiques de la IIIe République.

Le personnel politique est souvent lui-même issu de haute fonction publique ; en témoigne la carrière de Valéry Giscard d’Estaing (1926). Bachelier à 16 ans (1942), reçu à Polytechnique en 1946, il rejoint l’ENA en 1948. Inspecteur des finances en 1952, il occupe des postes de chargé de mission ou de directeur adjoint de cabinet au ministère des Finances ou à la présidence du Conseil. Sa carrière politique commence en 1956 et se poursuit sous la Ve République : député en 1956, secrétaire d’État au budget en 1959, ministre des Finances de 1962 à 1966, puis de 1969 à 1974, président de la République en 1974.

C. Un État-providence qui garantit la cohésion sociale

L’État en France pendant les Trente Glorieuses garantit la protection sociale, arbitre les rapports sociaux et favorise l’accès de tous à l’instruction, à la formation, à la culture ; c’est un « État-providence », un « État de bien-être » ou « du bien-être » qui garantit des droits sociaux et contribue à la croissance économique par la redistribution.

1. La protection sociale

L’État-providence garantit la protection sociale, c’est-à-dire l’allocation de ressources de remplacement aux individus confrontés aux aléas de l’existence : maladie, accident du travail, maternité, charges de famille, vieillesse. C’est une mesure prévue par le programme du CNR : l’établissement d’« un plan complet de sécurité sociale ». C’est un principe inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946. Sa mise en œuvre repose sur deux ordonnances du Gouvernement provisoire (4 et 19 octobre 1945) et s’inspire des deux systèmes bismarckien (1883-1889) et béveridgien (1942) : le financement de la Sécurité sociale repose sur des cotisations ; sa vocation est universelle et son fonctionnement garanti par l’État. La création de l’assurance chômage est postérieure : elle repose sur un accord conclu par les partenaires sociaux à la demande de l’État (31 décembre 1958) et reste indépendante de la Sécurité sociale.

2. L’arbitrage des rapports sociaux

L’État arbitre les rapports sociaux. Des comités d’entreprises sont établis par l’ordonnance du 22 février 1945, conformément au programme du CNR ; ils assurent la représentation des salariés au sein des entreprises. La création du SMIG (loi du 11 février 1950) et le principe de l’échelle mobile (loi du 8 juillet 1952) vise à garantir la rémunération du travail. Les congés payés sont portés à trois semaines (loi du 27 mars 1956).

Sous la Ve République, de Gaulle se déclare favorable à l’établissement d’un « régime social nouveau, fondé sur la participation et l’esprit d’entreprise », une idée déjà formulée pendant la guerre ou dans l’immédiat après-guerre, sous le nom d’association ou de participation, mais qui divise la majorité gaulliste des années 1960. L’amendement Vallon, adopté par l’Assemblée nationale le 12 mai 1965, sur proposition de Louis Vallon, gaulliste de gauche et rapporteur général de la commission des Finances, prévoit le dépôt par le gouvernement, avant le 1er mai 1966, d’un projet de loi destiné à garantir les « droit des salariés sur l’accroissement des valeurs d’actifs des entreprises dû à l’autofinancement », mais il ne reçoit pas sa pleine application, faute d’un soutien suffisant de la part du gouvernement ou de la majorité parlementaire.

3. Instruction, formation et culture

L’État assure enfin l’accès de tous à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture : c’est un principe inscrit dans le programme du CNR et dans le préambule de la Constitution de 1946.

Les gouvernements successifs conduisent une démocratisation de l’enseignement. Une commission, instituée à la Libération, est chargée de préparer un plan de réforme de l’enseignement. Remis en juin 1947, le plan Langevin-Wallon plaide pour une démocratisation de l’enseignement — scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans, « tronc commun » jusqu’à 15 ans ; il n’est pas appliqué dans l’immédiat, mais exerce une influence durable et annonce la massification scolaire. La scolarité obligatoire est portée à 16 ans (ordonnance du 6 janvier 1959). Un baccalauréat technique est créé en 1968. La réforme Haby (loi du 11 juillet 1975, entrée en vigueur à la rentrée de 1977) institue le « collègue unique » : une scolarité identique de la sixième à la troisième. La proportion de bacheliers dans une génération augmente fortement au cours de la période : 4,4 p. 100 en 1946 ; près du quart en 1975.

La création en 1959 d’un ministère des Affaires culturelles attribué à André Malraux contribue à la démocratisation de la culture. Ses missions sont définies dans un décret du 24 juillet 1959 rédigé par Malraux lui-même : « Le ministère chargé des Affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des œuvres d’art et de l’esprit qui l’enrichissent ». Son action se traduit par la création des Maisons de la culture ; celle du Havre est inaugurée le 24 juin 1961, celle d’Amiens le 19 mars 1966. Le IVe plan (1962-1965) prévoit la création de vingt Maisons de la culture.

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Sigles

CEA : Commissariat à l’énergie atomique (18 octobre 1945).
CECA : Communauté européenne du charbon et de l’acier (18 avril 1951).
CFLN : Comité français de libération nationale (3 juin 1943).
CNR : Conseil national de la Résistance (27 mai 1943).
CNRS : Centre national de la recherche scientifique (19 octobre 1939).
DATAR : Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (14 février 1963).
ENA : École nationale d’administration (9 octobre 1945).
IGN : Institut géographique national (27 juin 1940).
INED : Institut national d’études démographiques (24 octobre 1945).
INRA : Institut national de la recherche agronomique (18 mai 1946).
INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques (27 avril 1946).
SMIG : Salaire minimum interprofessionnel garanti (11 février 1950).