Berlin dans la Guerre froide : une photographie prise à la fin du blocus (1948)

La photographie, datée du 11 mai 1949, témoigne des destructions provoquées par la bataille de Berlin, rappelle que la ville est occupée par les vainqueurs depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et montre que la Guerre froide est un conflit idéologique.

Photographie prise à Berlin (11 mai 1949).

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You are leaving the American sector — Вы выезжаете из американ ской зоны — Vous sortez du secteur américain

Der Sektor der Freiheit grusst die Kämpfer für Freiheit und Recht der Westsektoren ! — Le secteur de la liberté salue les combattants de la liberté et du droit des secteurs occidentaux !

En 1945, l’Allemagne vaincue est divisée en zones d’occupation, mais elle est soumise à une administration quadripartite interalliée dont le siège est fixé à Berlin : un Conseil de contrôle qui réunit les commandants en chef des quatre armées d’occupation (déclarations de Berlin, 5 juin 1945). L’ancienne capitale du Reich est elle-même divisée en secteurs d’occupation, mais elle est soumise de la même façon à une administration quadripartite : une autorité interalliée de gouvernement, Kommandatura en russe, qui réunit les commandants des quatre secteurs d’occupation.

Ces dispositions sont provisoires puisque la conférence de Potsdam prévoit l’élaboration de traités de paix avec l’Allemagne et ses satellites européens . Les traités avec les satellites sont signés à Paris le 10 février 1947, mais les Alliés ne parviennent pas à s’entendre sur un traité de paix avec l’Allemagne.

La première crise de Berlin commence en 1948 : l’Union soviétique veut contraindre les Occidentaux à quitter Berlin et établit un blocus des secteurs occidentaux, lesquels constituent une enclave au sein de la zone soviétique.

Les communications routières, ferroviaires et fluviales entre Berlin-Ouest et les zones occidentales sont interrompues le 24 juin 1948. Les Soviétiques justifient le blocus par la politique suivie dans les zones occidentales : la réunion des trois zones (bizone, 1er janvier 1947 puis trizone, 4 juin 1948) ; la convocation d’une assemblée constituante chargée d’établir la Constitution du nouvel État allemand (1er juillet 1948) ; la création d’une nouvelle monnaie à l’Ouest, le deutsche Mark (20 juin 1948) et son introduction à Berlin-Ouest. Selon la thèse soviétique, la réunion des trois zones occidentales mettrait fin au quadripartisme et ôterait toute justification à la présence des Occidentaux à Berlin. Les Soviétiques cherchent ou bien à contraindre les Occidentaux à quitter Berlin, ou bien à imposer un règlement de la question allemande qui leur serait favorable.

Les Occidentaux refusent de quitter Berlin. Le président Truman recherche une solution négociée, mais il envoie en Angleterre des bombardiers B-29 pourvus de la bombe atomique, laquelle demeure un monopole états-unien ; la première explosion atomique soviétique date du 29 août 1949. Les Occidentaux parviennent à contourner le blocus au moyen d’un pont aérien massif : plusieurs centaines d’avions par jour, la construction d’un troisième aéroport en secteur français (Tegel).

Le blocus est levé le 12 mai 1949 à la suite d’un accord quadripartite (4 mai 1949), mais la question allemande reste entière : création de deux municipalités différentes à Berlin, création de deux États allemands, la République fédérale d’Allemagne formée à partir des trois zones d’occupation occidentales (Bonn), la République démocratique allemande formée à partir de la seule zone soviétique (Berlin-Est) ; Berlin-Ouest est une enclave occidentale en territoire est-allemand.

La photographie témoigne des destructions provoquées par la bataille de Berlin (16 avril-2 mai 1945). Capitale du Reich, la ville est frappée par des bombardements aériens et des tirs d’artillerie avant d’être contrainte à la reddition par l’Armée rouge.

L’écriteau trilingue témoigne de la division de la ville en quatre secteurs d’occupation. Il marque la limite du secteur d’occupation états-unien ; les trois langues sont celles des quatre puissances occupantes (occupation quadripartite). La photographie date de mai 1949, date à laquelle les Soviétiques lèvent le blocus imposé aux secteurs occidentaux depuis juin 1948.

La banderole, en en secteur soviétique, s’adresse à ceux qui, à l’Ouest, soutiennent la politique conduite par l’Union soviétique et partagent l’idéologie qu’elle incarne (les communistes de Berlin-Ouest). Elle montre que la question de Berlin, comme la Guerre froide dans son ensemble, est un conflit idéologique qui oppose deux conceptions de la « liberté » et du « droit ».

Les deux camps emploient les mêmes mots : la démocratie et la liberté, mais sans leur donner le même sens. Les Occidentaux fondent leur propre définition de la démocratie sur le pluralisme politique, le système représentatif et les droits individuels. Les communistes contestent cette définition : le marxisme-léninisme oppose les « libertés formelles » aux « libertés réelles » ; seul le communisme, par la disparition des classes, permettrait l’épanouissement des secondes.

L’affrontement s’appuie de part et d’autre sur des campagnes d’opinion et la banderole reprend les arguments de la propagande soviétique.