Le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale (1951)

L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France


Le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale (17 décembre 1951)

En octobre 1981, l’historien Henri Michel dresse un bilan des travaux du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale (CH2GM, CHDGM) dans un article publié dans la Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. On trouvera ci-dessous les premières pages de son texte, lesquelles portent sur la naissance du Comité.

Tout a commencé un soir de décembre 1951, à l’Hôtel Matignon, avec Georges Bidault, alors président du Conseil, Lucien Febvre, Georges Galichon et moi-même, secrétaire de la précaire Commission d’histoire de l’occupation et de la Libération de la France, alors rattachée à la direction des Bibliothèques. L’idée originelle était que, la guerre ayant été totale, il fallait rassembler tous ceux qui pouvaient travailler à la rédaction de son histoire. Le lendemain paraissait au Journal officiel le décret créant le Comité d’Histoire de la deuxième guerre mondiale, organisme interministériel groupant des représentants des ministères qui avaient existé pendant la guerre (onze en tout), des services possédant des archives (Services historiques des Armées, Archives de France, Archives diplomatiques, Documentation française), des bibliothèques (nationale et de documentation internationale contemporaine). Le tout était dirigé par des historiens, mais dès le début étaient joints à eux des juristes, des économistes et des sociologues, ainsi que des acteurs éminents de la période (comme René Cassin, le général Kœnig ou Daniel Mayer).

Ainsi lancée, l’entreprise n’avait pas de précédent en France, et pas d’équivalent dans le monde — par la suite, elle sera imitée dans plusieurs pays. La nouveauté était de confier une tâche de recherche historique à un organisme interministériel, rattaché au président du Conseil, puis au Premier Ministre. L’originalité fut, pour éviter la suspicion, ou la tentation, d’une orientation politique, de demander au CNRS de fournir les crédits nécessaires et de cautionner le recrutement du personnel. Comme personne n’aurait pu dire dans quelle direction, dans quel ordre, et selon quelles méthodes les recherches seraient effectuées, le Comité fut doté de statuts conçus avec tout le vague nécessaire pour ne pas gêner sa liberté d’action et lui conférer toute la souplesse désirable.

En théorie, un vaste potentiel était ainsi rassemblé ; en particulier, l’appui du chef du gouvernement pouvait être garant de possibilités d’action que possèdent rarement les organismes scientifiques. En fait, cette naissance à double paternité avait été accueillie par des fées certes bienveillantes, mais méfiantes. Les secrétaires généraux du gouvernement n’acceptaient pas de gaieté de cœur la tâche supplémentaire qui leur incombait ; après une période de rodage et d’hésitation, tous ont soutenu loyalement l’entreprise ; sans leur concours, peu de choses auraient été réalisées. Pas consulté à l’origine, peut-être un peu décontenancé par la nature d’un organisme qui ne répondait pas à ses règles de fonctionnement, le CNRS a longtemps boudé […]. De leur côté, les divers ministères n’étaient guère empressés pour coopérer et ouvrir des dossiers en général pas très bien classés, et jugés souvent explosifs ; il fallut, sans forcer les portes, inspirer progressivement confiance, et avancer prudemment ; fort heureusement, nombreux étaient les hommes politiques que le rôle qu’ils avaient joué pendant la guerre rendait bienveillants à l’effort entrepris, si bien que la plupart des décisions ont été adoptées dans le secret des cabinets ministériels, et appliquées ensuite, plus ou moins de bon gré, par l’administration.

Tous les spécialistes d’histoire contemporaine n’étaient pas emballés non plus par cette tentative d’histoire à chaud, convaincus pour la plupart de la nécessité du respect du sacro-saint “recul”, une règle dont pourtant Marc Bloch avait fait litière ; certains redoutaient même une tentative d’histoire officielle. Enfin et surtout, en principe, toutes les archives étaient fermées au Comité, qu’elles ne soient pas inventoriées ou qu’elles soient rendues inaccessibles par la loi interdisant toute communication pendant un délai de cinquante ans, une loi qu’il était évidemment impossible de violer aux responsables de leur conservation. Si on ajoute que le Comité disposa longtemps de moyens très réduits — j’ai commencé moi-même à travailler dans deux pièces avec quatre personnes, dont deux dactylographes –, qu’il n’existait aucun précédent dont il pût s’inspirer, et que la tâche à accomplir était si vaste qu’on ne savait par quel bout la saisir, on comprendra que les tâtonnements aient été longs, les erreurs inévitables, l’apprentissage hésitant. Comme beaucoup de Commissions, le Comité aurait pu ne durer que le temps d’un ministère – celui de Georges Bidault ; il a cependant vécu, et prospéré, pendant près de trente années. »

L’article dans son entier sur le site JSTOR :

Le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale


Chronologie indicative

Septembre 1944 : création d’un Comité d’histoire de la libération de Paris.

20 octobre 1944 : création d’une Commission d’histoire de l’occupation et de la libération de la France (CHOLF).

6 juin 1945 : création d’un Comité d’histoire de la guerre (CHG).

17 décembre 1951 : fusion de la CHOLF et du CHG au sein du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale (CH2GM) ; le CH2GM publie la Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale (premier numéro, novembre 1950).

26 septembre 1978 (avec effet rétroactif au 1er septembre ) : création de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP).

31 décembre 1980 : le CH2HM est définitivement intégré au sein de l’IHTP.

Octobre 1985 : publication du premier numéro des Cahiers de l’IHTP.

Novembre 1992 : le numéro 21 des Cahiers de l’IHTP s’intitule « La bouche de la Vérité ? La recherche historique et les sources orales ».