15 août 1971. – Suspension par le président Nixon de la convertibilité du dollar en or

La conférence de Bretton Woods (New Hampshire, 1944) établit un système monétaire international à parités fixes et fait du dollar la principale monnaie de réserve (Gold exchange standard, étalon-devise-or ou étalon de change-or). Dans les années 1960, la devise américaine reste la principale monnaie de réserve, mais n’est plus as good as gold en raison du gonflement de la masse des dollars en circulation dans le monde (eurodollars). Dès 1960, l’économiste belge Robert Triffin souligne la fragilité du système de Bretton Woods. En raison des fonctions qu’il remplit, le dollar doit satisfaire à deux nécessités contradictoires : la stabilité, puisqu’il sert d’étalon de mesure pour les monnaies et les marchandises, l’abondance puisqu’il constitue un moyen de règlement et un instrument de réserve (paradoxe de Triffin) ; la seconde finit par l’emporter sur la première en raison des besoins de l’économie mondiale et de la politique conduite par les États-Unis dans le monde. Dans l’immédiat après-guerre, les excédents commerciaux compensent les sorties de capitaux. Dans les années 1960, la réduction des excédents commerciaux aggrave le déficit de la balance des paiements. Le 15 août 1971, dans une allocution télévisée, le président Nixon annonce la suspension de la convertibilité du dollar en or et la création d’une surtaxe de 10 p. 100 sur les importations de biens. En septembre, dans une conférence de presse qu’il tient à l’Élysée, le président français Pompidou donne des « décisions du 15 août » une explication qui reprend les objections formulées par son prédécesseur six ans auparavant.

L’allocution télévisée du président Nixon

Les décisions du 15 août selon le président Pompidou

Le système monétaire international selon de Gaulle


L’allocution télévisée du président Nixon

1:18

The time has come for a new economic policy for the United States. Its targets are unemployment, inflation, and international speculation. […]

Le temps est venu d’une nouvelle politique économique pour les États-Unis. Ses cibles sont le chômage, l’inflation et la spéculation internationale. […]

8:46

We must protect the position of the American dollar as a pillar of monetary stability around the world.

Nous devons protéger la position du dollar américain en tant que pilier de la stabilité monétaire du monde.

In the past 7 years, there has been an average of one international monetary crisis every year. Now who gains from these crises? Not the workingman; not the investor; not the real producers of wealth. The gainers are the international money speculators. Because they thrive on crises, they help to create them.

Dans les sept dernières années, nous avons connu une crise monétaire tous les ans en moyenne. Aussi faut-il se demander à qui profite ces crises ? Non pas au travailleur, ni à l’actionnaire, non pas aux véritables producteurs de richesses. Ceux qui en profitent, ce sont les spéculateurs internationaux. Ils contribuent même à les créer puisqu’ils y trouvent intérêt.

In recent weeks, the speculators have been waging an all-out war on the American dollar. The strength of a nation’s currency is based on the strength of that nation’s economy–and the American economy is by far the strongest in the world. Accordingly, I have directed the Secretary of the Treasury to take the action necessary to defend the dollar against the speculators.

Ces dernières semaines, les spéculateurs ont lancé une guerre totale contre le dollar américain. La force de la monnaie d’un pays repose sur la force de son économie — et l’économie américaine est de loin la plus forte du monde. C’est pourquoi j’ai demandé au secrétaire du Trésor de prendre les mesures nécessaires pour défendre le dollar contre les spéculateurs.

I have directed Secretary Connally to suspend temporarily the convertibility of the dollar into gold or other reserve assets, except in amounts and conditions determined to be in the interest of monetary stability and in the best interests of the United States.

J’ai demandé au secrétaire Connally de suspendre temporairement la convertibilité du dollar en or ou dans les autres instruments de réserve, sauf pour des montants et dans des conditions qui seraient dans l’intérêt de la stabilité monétaire et des États-Unis.

Now, what is this action–which is very technical–what does it mean for you?

Comment présenter cette mesure, qui est très technique, que signifie-t-elle pour vous ?

Let me lay to rest the bugaboo of what is called devaluation.

Laissez moi dissiper le spectre ce que l’on appelle dévaluation.

If you want to buy a foreign car or take a trip abroad, market conditions may cause your dollar to buy slightly less. But if you are among the overwhelming majority of Americans who buy American-made products in America, your dollar will be worth just as much tomorrow as it is today.

Si vous voulez acheter une voiture étrangère ou faire un voyage à l’étranger, il est possible que les conditions du marché privent votre dollar d’une partie de sa valeur. Mais si vous faites partie de l’immense majorité des Américains qui achètent des produits américains faits en Amérique, votre dollar vaudra demain ce qu’il vaut aujourd’hui.

The effect of this action, in other words, will be to stabilize the dollar.

Le but de cette mesure, en d’autres termes, est de stabiliser le dollar.

Now, this action will not win us any friends among the international money traders. But our primary concern is with the American workers, and with fair competition around the world.

Bien entendu, cette mesure ne va pas nous faire des amis parmi les cambistes internationaux. Mais notre objectif prioritaire, ce sont les travailleurs américains et la concurrence loyale dans le monde.

To our friends abroad, including the many responsible members of the international banking community who are dedicated to stability and the flow of trade, I give this assurance: The United States has always been, and will continue to be, a forward-looking and trustworthy trading partner. In full cooperation with the International Monetary Fund and those who trade with us, we will press for the necessary reforms to set up an urgently needed new international monetary system. Stability and equal treatment is in everybody’s best interest. I am determined that the American dollar must never again be a hostage in the hands of international speculators.

À nos amis étrangers, y compris les membres de la communauté bancaire internationale qui défendent la stabilité et l’ouverture commerciale, je donne l’assurance suivante : les États-Unis ont toujours été et resteront un partenaire fiable et tourné vers l’avenir. En pleine coopération avec le Fonds monétaire international comme avec tous nos partenaires, nous exigerons que les mesures indispensables soient prises afin d’établir sans délai le nouveau système monétaire international dont nous avons besoin.

I am taking one further step to protect the dollar, to improve our balance of payments, and to increase jobs for Americans. As a temporary measure, I am today imposing an additional tax of 10 percent on goods imported into the United States. This is a better solution for international trade than direct controls on the amount of imports.

J’ai pris une autre mesure pour protéger le dollar, pour améliorer notre balance des paiements et pour favoriser la création d’emplois aux États-Unis. J’établis aujourd’hui, à titre temporaire, une surtaxe de 10 p. 100 sur les biens qui sont importés aux États-Unis. Cela vaut mieux pour le commerce international que des restrictions quantitatives.

This import tax is a temporary action. It isn’t directed against any other country. It is an action to make certain that American products will not be at a disadvantage because of unfair exchange rates. When the unfair treatment is ended, the import tax will end as well.

Cette taxe sur les importations est temporaire. Elle ne vise aucun autre pays. C’est une mesure destinée à empêcher que les produits américains soient désavantagés à cause de taux de change déloyaux. Lorsque ce traitement déloyal cessera, la taxe sera supprimée.

As a result of these actions, the product of American labor will be more competitive, and the unfair edge that some of our foreign competition has will be removed. This is a major reason why our trade balance has eroded over the past 15 years.

Par ces mesures, la production de la main d’œuvre américaine retrouvera toute sa compétitivité et l’avantage déloyal dont bénéficie la concurrence étrangère disparaîtra. C’est bien là la principale raison de la détérioration de notre commerce extérieur depuis quinze ans.

At the end of World War II the economies of the major industrial nations of Europe and Asia were shattered. To help them get on their feet and to protect their freedom, the United States has provided over the past 25 years $143 billion in foreign aid. That was the right thing for us to do.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les économies des principaux pays industrialisés d’Europe et d’Asie étaient détruites. Pour les relever et protéger leur liberté, les États-Unis ont fourni 143 milliards de dollars d’aide à l’étranger au cours des vingt-cinq dernières années. C’était une bonne chose de le faire.

Today, largely with our help, they have regained their vitality. They have become our strong competitors, and we welcome their success. But now that other nations are economically strong, the time has come for them to bear their fair share of the burden of defending freedom around the world. The time has come for exchange rates to be set straight and for the major nations to compete as equals. There is no longer any need for the United States to compete with one hand tied behind her back.

Aujourd’hui, en grande partie grâce à nous, ces pays ont retrouvé leur vitalité. Ils sont devenus des concurrents sérieux et nous nous félicitons de leur réussite. Mais, comme ils sont désormais économiquement puissants, le temps est venu qu’ils prennent leur juste part du fardeau dans la défense de la liberté du monde. Le temps est venu de rétablir l’équité des taux de change et pour les grands pays de concourir loyalement. Rien ne justifie plus désormais que les États-Unis affrontent la concurrence avec une main attachée dans le dos.

Discours en anglais

The American Presidency Project (APP) — University of California

Address to the Nation Outlining a New Economic Policy: “The Challenge of Peace”

Autres traductions françaises

Gérard-Marie Henry, Dollar : la monnaie internationale. Histoire, mécanismes et enjeux, Paris, Studyrama, 2004, pp. 167-168.

Discours à la nation du 15 août 1971

« Bretton Woods : mélanges pour un cinquantenaire », Revue d’économie financière, hors-série, 1994, p. 498.

Allocution télévisée du 15 août 1971


Les décisions du 15 août selon le président Pompidou

Président de la République depuis 1969, Georges Pompidou répond à une série de questions sur le « problème monétaire » lors d’une conférence de presse qu’il tient à l’Élysée le 23 septembre 1971. L’explication qu’il donne des « décisions du 15 août » reprend les objections formulées par de Gaulle le 4 février 1965.

Je vous préviens tout de suite que je serai très long, très ennuyeux, mais je n’y peux rien, c’est le sujet.

Tout le monde sait ce que sont les accords de Bretton Woods. […]

À partir de là, le dollar devenait la monnaie de référence de la plupart des transactions internationales, y compris avec les pays communistes, et devenait la monnaie de réserve par excellence. D’ailleurs les banques centrales l’accueillaient avec satisfaction et même avec avidité.

Or, on sait qu’il y a un rapport entre la masse monétaire et l’activité économique. Une masse monétaire insuffisante risque de créer le ralentissement ; cependant que des liquidités excessives peuvent créer l’inflation.

La tentation était donc grande pour les États-Unis, compte tenu de la faiblesse de la production d’or, qui ne permet pas à la quantité de métal de croître aussi rapidement que nous le souhaitons et qu’on le souhaite dans tous les pays pour nourrir l’expansion, la tentation était donc grande pour les États-Unis de créer de la monnaie. Cela n’avait pas d’inconvénients pour le dollar qui restait convertible, cela facilitait l’activité économique américaine, cela facilitait les échanges internationaux et, par conséquent, l’activité économique des pays européens et du Japon. Cela aurait pu durer sans inconvénients peut-être, si cela avait été mené avec modération et surtout si la balance des paiements américaine était restée équilibrée.

Mais je pense que de telles conditions dépassaient probablement les forces de n’importe quel gouvernement.

Peu à peu, les États-Unis se sont laissés glisser sur la pente de l’inflation avec d’autant plus d’indifférence qu’ils n’en subissaient pas les effets, le dollar gardant sa valeur, les prix restant stables à l’intérieur des États-Unis, ou à peu près, et au contraire, la puissance américaine en profitant à l’extérieur, tant sur le plan politique, grâce à l’aide qu’elle apportait dans tous les domaines à de nombreux pays, que sur le plan économique, par le développement des entreprises américaines et les prises de contrôle.

Mais tout a une fin.

Vint le moment où les prix commencèrent à augmenter aux États-Unis, dans des proportions telles que le dollar perdait de sa valeur réelle, vint un moment où la balance des paiements connut des déficits excessifs, vint un moment où une certaine défiance commença à s’emparer au moins des spécialistes, et où l’on vit les banques centrales essayer de changer leurs dollars contre de l’or. […]

Vinrent donc les décisions du 15 août […].

Conférence de presse du président Pompidou, 23 septembre 1971 (archives de l’Institut Georges-Pompidou).


Le système monétaire international selon de Gaulle

Président de la République depuis 1959, réélu en 1964, de Gaulle répond à deux questions sur le système monétaire international et les investissements des firmes états-uniennes dans le monde.

À mesure que les États de l’Europe occidentale, décimés et ruinés par les guerres, recouvrent leur substance, la situation relative qui avait été la leur par suite de leur affaiblissement apparaît comme inadéquate, voire abusive et dangereuse. Rien, d’ailleurs, dans cette constatation n’implique de leur part et, notamment, de celle de la France quoi que ce soit d’inamical à l’égard d’autres pays, en particulier de l’Amérique. Car, le fait que ces États veuillent, chaque jour davantage, agir par eux-mêmes dans tout domaine des relations internationales procède simplement du mouvement naturel des choses. Il en est ainsi pour ce qui est des rapports monétaires pratiqués dans le monde depuis que les épreuves subies par l’Europe lui firent perdre l’équilibre. Je veux parler — qui ne le comprend ? — du système apparu au lendemain de la Première Guerre et qui s’est établi à la suite de la Seconde.

On sait que ce système avait, à partir de la Conférence de Gênes, en 1922, attribué à deux monnaies, la livre et le dollar, le privilège d’être tenues automatiquement comme équivalentes à l’or pour tous paiements extérieurs, tandis que les autres ne l’étaient pas. Par la suite, la livre ayant été dévaluée en 1931 et le dollar en 1933, cet insigne avantage avait pu sembler compromis. Mais l’Amérique surmontait sa grande crise. Après quoi, la Deuxième Guerre mondiale ruinait les monnaies de l’Europe en y déchaînant l’inflation. Comme presque toutes les réserves d’or du monde se trouvaient alors détenues par les États-Unis, lesquels, en tant que fournisseurs de l’univers, avaient pu conserver sa valeur à leur propre monnaie, il pouvait paraître naturel que les autres États fissent entrer indistinctement des dollars ou de l’or dans leurs réserves de change et que les balances extérieures des paiements s’établissent par transferts de crédits ou de signes monétaires américains aussi bien que de métal précieux. D’autant plus que l’Amérique n’éprouvait aucun embarras à régler ses dettes en or si cela lui était demandé. Ce système monétaire international, ce Gold Exchange Standard, a été par conséquent admis pratiquement depuis lors.

Cependant, il ne paraît plus aujourd’hui aussi conforme aux réalités et, du coup, présente des inconvénients qui vont en s’alourdissant. Comme le problème peut être considéré dans les conditions voulues de sérénité et d’objectivité car la conjoncture actuelle ne comporte rien qui soit, ni très pressant, ni très alarmant — c’est le moment de le faire.

Les conditions qui ont pu, naguère, susciter le Gold Exchange Standard se sont modifiées, en effet. Les monnaies des États de l’Europe occidentale sont aujourd’hui restaurées, à tel point que le total des réserves d’or des Six équivaut aujourd’hui à celui des Américains. Il le dépasserait même si les Six décidaient de transformer en métal précieux tous les dollars qu’ils ont à leur compte. C’est dire que la convention qui attribue au dollar une valeur transcendante comme monnaie internationale ne repose plus sur sa base initiale, savoir la possession par l’Amérique de la plus grande partie de l’or du monde. Mais, en outre, le fait que de nombreux États acceptent, par principe, des dollars au même titre que de l’or pour compenser, le cas échéant, les déficits que présente, à leur profit, la balance américaine des paiements, amène les États-Unis à s’endetter gratuitement vis-à-vis de l’étranger. En effet, ce qu’ils lui doivent, ils le lui paient, tout au moins en partie, avec des dollars qu’il ne tient qu’à eux d’émettre, au lieu de les leur payer totalement avec de l’or, dont la valeur est réelle, qu’on ne possède que pour l’avoir gagné et qu’on ne peut transférer à d’autres sans risque et sans sacrifice. Cette facilité unilatérale qui est attribuée à l’Amérique contribue à faire s’estomper l’idée que le dollar est un signe impartial et international des échanges, alors qu’il est un moyen de crédit approprié à un État.

Évidemment, il y a d’autres conséquences à cette situation. Il y a en particulier le fait que les États-Unis, faute d’avoir à régler nécessairement en or, tout au moins totalement, leurs différences négatives de paiements suivant la règle d’autrefois qui contraignait les États à prendre, parfois avec rigueur, les mesures voulues pour remédier à leur déséquilibre, subissent, d’année en année, une balance déficitaire. Non point que le total de leurs échanges commerciaux soit en leur défaveur. Bien au contraire ! Leurs exportations de matières dépassent toujours leurs importations. Mais c’est aussi le cas pour les dollars, dont les sorties l’emportent toujours sur les rentrées. Autrement dit, il se crée en Amérique, par le moyen de ce qu’il faut bien appeler l’inflation, des capitaux, qui, sous forme de prêts en dollars accordés à des États ou à des particuliers, sont exportés au dehors. Comme, aux États-Unis même, l’accroissement de la circulation fiduciaire qui en résulte par contre-coup rend moins rémunérateurs les placements à l’intérieur, il apparaît chez eux une propension croissante à investir à l’étranger. De là, pour certains pays, une sorte d’expropriation de telles ou telles de leurs entreprises.

Assurément, une telle pratique a grandement facilité et favorise encore, dans une certaine mesure, l’aide multiple et considérable que les États-Unis fournissent à de nombreux pays en vue de leur développement et dont, en d’autres temps, nous avons-nous-mêmes largement bénéficié. Mais les circonstances sont telles aujourd’hui qu’on peut même se demander jusqu’où irait le trouble si les États qui détiennent des dollars en venaient, tôt ou tard, à vouloir les convertir en or ? Lors même, d’ailleurs, qu’un mouvement aussi général ne se produirait jamais, le fait est qu’il existe un déséquilibre en quelque sorte fondamental.

Pour toutes ces raisons, la France préconise que le système soit changé. On sait qu’elle l’a fait, notamment, lors de la Conférence monétaire de Tokyo. Étant donné la secousse universelle qu’une crise survenant dans ce domaine entraînerait probablement, nous avons en effet toutes raisons de souhaiter que soient pris, à temps, les moyens de l’éviter. Nous tenons donc pour nécessaire que les échanges internationaux s’établissent, comme c’était le cas avant les grands malheurs du monde, sur une base monétaire indiscutable et qui ne porte la marque d’aucun pays en particulier. Quelle base ? En vérité, on ne voit pas qu’à cet égard il puisse y avoir de critère, d’étalon, autres que l’or. Eh ! oui, l’or, qui ne change pas de nature, qui se met, indifféremment, en barres, en lingots ou en pièces, qui n’a pas de nationalité, qui est tenu, éternellement et universellement, comme la valeur inaltérable et fiduciaire par excellence. D’ailleurs, en dépit de tout ce qui a pu s’imaginer, se dire, s’écrire, se faire, à mesure d’immenses événements, c’est un fait qu’encore aujourd’hui aucune monnaie ne compte, sinon par relation directe ou indirecte, réelle ou supposée, avec l’or. Sans doute, ne peut-on songer à imposer à chaque pays la manière dont il doit se conduire à l’intérieur de lui-même. Mais la loi suprême, la règle d’or — c’est bien le cas de le dire — qu’il faut remettre en vigueur et en honneur dans les relations économiques internationales, c’est l’obligation d’équilibrer, d’une zone monétaire à l’autre, par rentrées et sorties effectives de métal précieux, la balance des paiements résultant de leurs échanges.

Certes, la fin sans rudes secousses du Gold Exchange Standard, la restauration de l’étalon-or, les mesures de complément et de transition qui pourraient être indispensables, notamment en ce qui concerne l’organisation du crédit international à partir de cette base nouvelle, devront être concertées posément entre les États, notamment ceux auxquels leur capacité économique et financière attribue une responsabilité particulière. D’ailleurs, les cadres existent déjà où de telles études et négociations seraient normalement menées. Le Fonds monétaire international, institué pour assurer, autant que faire se peut, la solidarité des monnaies, offrirait à tous les États un terrain de rencontre approprié, dès lors qu’il s’agirait, non plus de perpétuer le Gold Exchange Standard, mais bien de le remplacer. Le Comité des Dix, qui groupe, aux côtés des États-Unis et de l’Angleterre, d’une part la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et la Belgique, d’autre part le Japon, la Suède et le Canada, préparerait les propositions nécessaires. Enfin, il appartiendrait aux Six États qui paraissent en voie de réaliser une Communauté économique européenne d’élaborer entre eux et de faire valoir au-dehors le système solide que recommande le bon sens et qui répond à la puissance renaissante de notre Ancien Continent.

La France, pour sa part, est prête à participer activement à la vaste réforme qui s’impose désormais dans l’intérêt du monde entier.

Charles de Gaulle, Discours et messages, t. IV, Pour l’effort, 1962-1965, Paris, Plon, 1970.