22 janvier 1917. — « Une paix sans victoire » : discours du président Wilson devant le Sénat

Réélu le 7 novembre 1916 contre le candidat républicain Charles Evans Hughes, le président Wilson (1913-1921) adresse une note de paix à tous les belligérants le 18 décembre et leur demande de lui indiquer leurs buts de guerre. Le 22 janvier 1917, il expose devant le Sénat des États-Unis sa conception d’une « paix sans victoire ». Il ne sait rien encore de la décision prise par l’Allemagne le 9 janvier de reprendre la guerre sous-marine à partir du 1er février. Dans L’Homme enchaîné du 25, Clemenceau exprime nettement son désaccord avec le président des États-Unis : « le regard perdu dans l’abîme des âges, il s’élance, d’un magnifique essor, par delà le temps et l’espace, pour planer dans le vide au-dessus des choses qui ont l’infériorité d’être. » Dans un ordre du jour adopté à l’unanimité par leur groupe parlementaire — L’Humanité du 27 —, les socialistes français approuvent en revanche les « hautes paroles de raison » venues de Washington. Après la reprise de la guerre sous-marine, les États-Unis déclarent la guerre à l’Allemagne (6 avril 1917) et le président Wilson récapitule leurs buts de guerre dans son discours des « quatorze points » (8 janvier 1918). Devant la Chambre des députés, le 29 décembre 1918, Clemenceau explique néanmoins qu’il reste attaché au « vieux système ».

Le texte en anglais

La traduction de Désiré Roustan (1917)

La traduction de T. H. Mac Carthy (1918)

L’éditorial de Clemenceau (25 janvier 1917)

L’ordre du jour du groupe socialiste (26 janvier 1917)

L’équilibre des puissances selon Clemenceau (29 décembre 1918)

La réception du discours en France (1973)


Le discours du président Wilson sur les conditions de la paix

Wilson récuse tout règlement de paix fondé sur un quelconque « équilibre des puissances » avant de se prononcer pour une « paix sans victoire ».

Le texte en anglais

If the peace presently to be made is to endure, it must be a peace made secure by the organized major force of mankind.

The terms of the immediate peace agreed upon will determine whether it is a peace for which such a guarantee can be secured. The question upon which the whole future peace and policy of the world depends is this:

Is the present war a struggle for a just and secure peace, or only for a new balance of power? If it be only a struggle for a new balance of power, who will guarantee, who can guarantee, the stable equilibrium of the new arrangement?

Only a tranquil Europe can be a stable Europe. There must be, not a balance of power, but a community of power; not organized rivalries, but an organized common peace.

Fortunately we have received very explicit assurances on this point. The statesmen of both of the groups of nations now arrayed against one another have said, in terms that could not be misinterpreted, that it was no part of the purpose they had in mind to crush their antagonists. But the implications of these assurances may not be equally clear to all — may not be the same on both sides of the water. I think it will be serviceable if I attempt to set forth what we understand them to be.

They imply, first of all, that it must be a peace without victory. It is not pleasant to say this. I beg that I may be permitted to put my own interpretation upon it and that it may be understood that no other interpretation was in my thought. I am seeking only to face realities and to face them without soft concealments.

Victory would mean peace forced upon the loser, a victor’s terms imposed upon the vanquished. It would be accepted in humiliation, under duress, at an intolerable sacrifice, and would leave a sting, a resentment, a bitter memory upon which terms of peace would rest, not permanently, but only as upon quicksand. Only a peace between equals can last.

Only a peace the very principle of which is equality and a common participation in a common benefit.

Address of the President delivered to the Senate of the United States, January 22, 1917, Washington, Department of State, February 14, 1917, pp. 4-5.

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Le portrait est publié à la une de L’Illustration du 10 février 1917 :

Le président Wilson

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La traduction de Désiré Roustan (1917)

Si la paix à venir doit être durable, il faut qu’elle soit assurée par la force supérieure et organisée de l’humanité.

Les conditions de la paix qui sera conclue montreront s’il s’agit d’une paix qui peut être garantie par une telle force. La question dont dépendent la paix et la politique futures du monde est celle-ci :

La guerre actuelle est-elle une lutte pour une paix juste et durable, ou seulement pour un remaniement des puissances ? Si elle est seulement une lutte pour un remaniement des puissances, qui garantira, qui peut garantir la stabilité du nouvel arrangement ?

Seule une Europe tranquille peut être une Europe stable. Il doit y avoir non pas simple remaniement des puissances, mais institution d’une puissance collective, et non pas des rivalités organisées, mais une paix commune organisée.

Heureusement, nous avons reçu des assurances très explicites sur ce point. Les hommes d’État des deux groupes de nations actuellement dressés l’un contre l’autre ont dit, en des termes qui ne prêtent à aucun contresens, qu’ils ne songeaient nullement à écraser leurs antagonistes. Mais les affirmations implicitement contenues dans ces assurances peuvent n’être pas également claires pour tous — peuvent n’être pas les mêmes des deux côtés de l’eau. Je pense qu’il sera utile que j’essaye d’exposer le sens qu’elles ont pour nous.

Elles signifient avant tout qu’il doit y avoir une paix sans victoire. Ce n’est pas une chose agréable à dire. Je demande qu’il me soit permis de donner ma propre interprétation et qu’on veuille bien croire que je n’en ai jamais eu d’autre dans l’esprit. Je ne cherche qu’à regarder les réalités en face sans faiblesse et sans rien dissimuler.

La victoire signifierait la paix imposée au perdant, les conditions d’un vainqueur imposées au vaincu. Elle serait acceptée dans l’humiliation, par contrainte, au prix de sacrifices insupportables, et laisserait une blessure, un ressentiment, un souvenir amer. Une paix ainsi établie ne saurait durer, elle reposerait sur un sable mouvant.

Seule peut durer une paix entre égaux, une paix dont les principes mêmes sont l’égalité et une participation commune à un bénéfice commun.

Pourquoi nous sommes en guerre. Six messages au Congrès et au peuple américain, suivis du message du président Wilson à la Russie, Paris, Bossard, 1917, pp. 12-13.

Une ligue mondiale pour la paix. — Message au Sénat du 22 janvier 1917

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La traduction de T. H. Mac Carthy (1918)

Pour que la paix prochaine soit durable, il faut qu’elle soit garantie par la force organisée de la majeure partie de l’humanité.

Or ce sont les conditions mêmes de cette paix qui diront si elle mérite ou non d’être ainsi garantie. La question dont dépendent la paix future et toute la vie politique du monde est la suivante :

Se bat-on pour une paix juste et durable ou seulement pour un nouvel équilibre de forces ? Si c’est seulement une lutte pour un nouvel équilibre de forces, qui garantira, qui peut garantir la stabilité des nouveaux arrangements ?

Une Europe satisfaite peut seule devenir une Europe stable. Il ne doit pas y avoir un équilibre de puissances mais une communauté de puissances. Il ne doit pas y avoir de rivalités organisées, mais une paix commune organisée.

Heureusement, nous avons reçu des assurances très explicites sur ce point. Les hommes d’État des deux groupes de nations dressés maintenant l’un contre l’autre ont déclaré, en termes non équivoques, que la destruction de leurs adversaires n’était aucunement dans leurs desseins. Mais les choses impliquées dans ces assurances peuvent ne pas être aussi claires pour tous — peuvent n’être pas les mêmes des deux côtés de l’océan. Je crois qu’il sera utile d’essayer d’exposer ce que nous entendons par ces déclarations.

Elles impliquent d’abord que cette paix doit être une paix sans victoire. Je demande l’autorisation de donner ma propre interprétation de cette formule ; je demande également qu’il soit bien entendu que je n’en ai pas d’autres dans l’esprit. Je cherche seulement à voir la réalité en face sans la dissimuler ni l’adoucir.

La victoire signifierait, pour le vaincu, la paix consentie par force et la soumission aux conditions imposées par le vainqueur. Elle serait acceptée avec humiliation, par contrainte, au prix d’intolérables sacrifices; elle laisserait une morsure au cœur, un ressentiment, un souvenir amer ; la paix ne reposerait pas là de façon durable, mais seulement comme sur un sable mouvant

Seule sera permanente une paix entre égaux, une paix dont le principe est l’égalité et la participation commune à des bénéfices communs.

La guerre, la paix : recueil des déclarations du président des États-Unis d’Amérique sur la guerre et la paix, Paris, Berger-Levrault, 1918, pp. 18-20.

Discours prononcé le 22 janvier 1917 par le président Wilson sur les conditions de la paix

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L’éditorial de Clemenceau sur les « choses qui ont l’infériorité d’être » dans L’Homme enchaîné

L’éditorial est publié à la une de L’Homme enchaîné du 25 janvier 1917. À l’idéalisme du président états-unien, Clemenceau oppose une approche réaliste des relations internationales avant de s’interroger sur les obligations — et les contradictions — qui seraient celles d’une « Amérique » devenue « universelle gendarmerie ». La photo est postérieure : publiée dans Le Miroir du 29 septembre, elle représente la visite de Clemenceau à Noyon (Oise) le 8 septembre 1918 ; il est alors redevenu président du Conseil (16 novembre 1917).

M. Wilson parle de la guerre européenne, parce qu’il ne peut pas n’en pas parler, puisque c’est le fait même qui lui met la plume à la main. Mais, très visiblement, ce n’est pas là son sujet. Occasion, c’est assez dire. Comme il est certainement sincère, il ne peut se défendre d’aborder le problème de l’Europe en feu, mais, le regard perdu dans l’abîme des âges, il s’élance, d’un magnifique essor, par delà le temps et l’espace, pour planer dans le vide au-dessus des choses qui ont l’infériorité d’être. […]

Si M. Wilson avait construit, en même temps que sa planète de vapeurs irisées, une population spéciale de droit et de sagesse surhumaine, pour emplir les vastes colonnades du céleste séjour, il n’y aurait rien à faire qu’à nous émerveiller. Et, pour moi, je troquerais de bon cœur ma part d’humanité misérable pour une entrée, même des plus modestes, en ce féerique habitacle. Hélas ! ce n’est pas ce qui nous arrive. L’édifice est de merveille, mais je ne vois pas d’homme pour l’habiter. C’est bien ce qui me gêne du triste point de vue de l’utilité passagère, où la présence des Boches dans la France envahie, avec leurs cortèges d’atrocités quotidiennes, m’oblige à me placer. […]

Nos villes sont détruites, nos cathédrales séculaires flambent sous la main des Boches « de culture », de villages, même, on ne peut plus retrouver l’emplacement, nos hommes sont au feu, des femmes violentées, ou déportées en serre-files d’esclaves, sous le bâton des soldats, pour aller nous ne savons où. C’est ce qui fait que nous n’avons pas le cœur à la métaphysique de la Haye, dont nous sommes loin de méconnaître les doctrinales beautés. […]

Vous nous offrez, je crois, la garantie de l’Amérique pour une paix sans victoire, qui, en vue d’inaugurer le régime du droit, commencera par nous faire une paix contre le droit. Savez-vous ce que cela peut vous coûter, cette garantie américaine ? Une armée de 10 millions d’hommes, pour être en état de faire face aux coalitions de violence, une marine de guerre correspondante, avec une flotte capable de transporter ces forces, malgré les sous-marins, à tous rivages révoltés, sans parler des forteresses, pour parer aux surprises. Un beau budget de la guerre qui appelle une prodigalité d’impôts impossibles à chiffrer. Qu’en pense le peuple américain ? Tous les peuples de la terre en paix, sous la garantie de l’Amérique — prête à exercer toutes sanctions — sauf le peuple américain, lui-même, encaserné dans des fonctions d’universelle gendarmerie. Si le gendarme donne des coups, il n’est pas toujours sans en recevoir. De quel côté interviendra-t-il dans les batailles ? Il ne sera peut-être pas toujours facile d’en décider. Une seule chose paraît certaine, c’est que, par votre évangile de paix, vous n’aurez fait qu’universaliser la guerre.

Croyez-moi, sans tant de paroles, vous ne détruirez pas la violence sur la terre, avant que la terre et ses créatures ne soient changées. Quand on assassine un passant, le public neutre des trottoirs arrive au secours. Ce n’est ni nous, ni l’Angleterre, ni la Belgique qui avons levé le couteau sur l’Allemagne. On nous assassine, monsieur, ce n’est pas l’heure de discourir.

Georges Clemenceau, « L’idéalisme d’un président », L’Homme enchaîné, 25 janvier 1917.

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L’ordre du jour du groupe parlementaire socialiste sur les « hautes paroles de raison du président Wilson »

Le discours du président Wilson sur la « paix sans victoire » permet aux socialistes français de refaire momentanément leur unité. Le 26 janvier, le groupe parlementaire socialiste à la Chambre des députés adopte à l’unanimité un ordre de jour qui approuve les principes wilsoniens. L’Humanité en publie le texte à la une le lendemain.

Le groupe socialiste au Parlement français enregistre avec joie l’admirable message du président Wilson au Sénat américain.

La conception de la paix fondée sur la libre volonté des peuples et non sur la force des armes doit devenir la charte de l’Univers civilisé.

À cette affirmation de justice, héritage de notre Révolution, tradition de tous nos congrès internationaux, le président Wilson confère aujourd’hui par sa note un prestige nouveau et immense. Et cela dans le temps où il est le plus nécessaire que les démocrates, dans toutes les nations, s’élèvent contre les ambitions des impérialistes, d’où qu’elles viennent, contre leurs sanglantes et ruineuses conséquences.

Le groupe demande avec instance au gouvernement français d’affirmer clairement son accord avec les hautes paroles de raison du président Wilson.

Pour préparer et hâter la fin juste et prochaine de la guerre présente, pour assurer l’avenir de la civilisation pacifique, le groupe demande aux représentants de toutes les nations belligérantes de faire pression sur leurs dirigeants afin que soit tentée de bonne foi la noble expérience offerte à l’humanité par le chef de la grande République américaine.

« Un ordre du jour du groupe socialiste », L’Humanité, 27 janvier 1917.

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« Il y avait un vieux système… » : l’équilibre des puissances selon Clemenceau le 29 décembre 1918

L’Allemagne reprend la guerre sous-marine le 1er février 1917 et les États-Unis lui déclarent la guerre le 6 avril. Après la signature de l’armistice, le président Wilson quitte Washington le 4 décembre, débarque à Brest le 13 et arrive à Paris le lendemain. C’est le premier président états-unien en fonction à quitter, non pas les États-Unis, mais le continent américain. À la Chambre, le 29 décembre, Clemenceau est interrogé sur leurs premières conversations. Dans sa réponse, il reconnaît qu’il reste attaché au « vieux système ».

Il y avait un vieux système, qui paraît condamné aujourd’hui et auquel je ne crains pas de dire que je reste en partie fidèle en ce moment : les pays organisaient leur défense. C’est très prosaïque. Ils tâchaient d’avoir de bonnes frontières ; ils s’armaient. C’était un terrible fardeau pour les populations toutes entières.

M. Brizon. — Il a fait faillite. (Exclamations.)

M. le président. — Voulez-vous laisser parler ? Ces interruptions sont indécentes. (Protestation sur divers bancs de l’extrême gauche. — Applaudissements sur d’autres bancs.)

Sur divers bancs à l’extrême gauche. — C’est abominable.

M. le président. — C’est moi qui suis abominable ? Que la Chambre et le pays jugent. (Applaudissements.) Vous n’avez pas compris : « Indécent » veut dire qui ne convient pas. (Vifs applaudissements.)

M. le président du Conseil. — Je disais qu’il y avait cette veille méthode des frontières solides et bien défendues, des armements et de ce qu’on appelait l’équilibre des puissances, le système aujourd’hui paraît condamné…

M. Brizon. — Il a fait faillite.

M. Géo-Gérald. — C’est vous qui avez fait faillite. C’est un scandale d’entendre parler ainsi. (Applaudissements.)

M. le président du conseil. — Ce système, aujourd’hui, paraît condamné par quelques très hautes autorités. Je ferai cependant observer que si l’équilibre, qui s’est spontanément produit pendant la guerre, avait existé auparavant si par exemple l’Angleterre, l’Amérique, la France et l’Italie étaient tombées d’accord pour dire que quiconque attaquait l’une d’entre elles attaquait tout le monde, la guerre n’aurait pas eu lieu. (Très bien ! très bien !)

M. André Lebey. — C’est la société des nations.

M. le président du conseil. — Je vous en prie, monsieur Lebey, laissez-moi parler, j’ai assez de peine à suivre ma pensée et vous avez assez l’habitude de la parole pour me laisser parler.

Il y avait donc ce système des alliances, auquel je ne renonce pas, je vous le dis tout net et ma pensée directrice, en allant à la conférence, si votre confiance maintenue me permet d’y aller (Vifs applaudissements), c’est qu’il ne doit rien arriver qui puisse séparer dans l’après-guerre les quatre puissances qui étaient réunies dans la guerre. (Vifs applaudissements à droite, au centre et sur un grand nombre de bancs à gauche.)

[…]

La vérité est que, depuis les temps les plus reculés de l’Histoire, les peuples se sont éternellement rués les uns sur les autres pour la satisfaction de leurs appétits et de leurs intérêts égoïstes. Ce n’est pas moi qui ai fait cette histoire, pas plus que vous.

Elle est. Dans ma jeunesse encore, dans les lycées, où je n’étais pas toujours un très bon élève, comme quelques-uns d’entre vous sans doute (On rit), on ne m’apprenait, en fait d’histoire, qu’une série de batailles. Puis, quand on m’avait appris cela, on me disait : « Vous savez l’histoire de France ! » Et je ne soupçonnais pas ce que c’était que l’histoire de France. Il a fallu que je sortisse des écoles pour l’apprendre, pour la connaître et pour la juger.

Eh bien ! messieurs, c’est la situation aujourd’hui. Cela ne vous est pas attribuable pas plus qu’à moi. Tout ce passé des peuples, avec les hasards des guerres et des victoires, des conquérants, des faiblesses, des déchéances de quelques races, a amené, par un concours de batailles effroyables, qu’on ne pourrait pas dénombrer, des régions limitées suivant que la poussée a été plus ou moins forte dans certains endroits ou dans certains autres.

Vous me dites tout d’un coup : « Nous allons faire la justice internationale ».

Quand on annonce qu’on va faire la justice et quand des peuples envoient des délégués en conférence pour faire cette justice, les clients ne manquent pas pour demander que justice leur soit faite d’abord. Il faut donc nous attendre à ce que toutes les questions qui ont pu léser les intérêts des peuples à ce jour vont être soulevées à la conférence. Les grands et les petits peuples se présenteront.

Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambres des députés. « 2e séance du dimanche 29 décembre », 30 décembre 1918, pp. 3732-3734.


La réception du discours en France dans un article de Jean-Baptiste Duroselle (1973)

L’article est publié aux États-Unis en 1973 dans une traduction anglaise.

On January 22, 1917 the president’s message proposing a “peace without victory” stirred up sharp reactions that split French opinion into two unequal camps.

The great majority of Frenchmen clearly rejected any such proposal that might tend to create an equal balance between the cause of the just and the cause of the aggressor. This opinion found its most vivid expression in Georges Clemenceau’s L’Homme Enchaîné (Radical-Socialist, advocating a war to the finish) : “Never before has any political assembly heard so fine a sermon on what human beings might be capable of accomplishing if only they weren’t human…. There is no doubting his sincerity…. But, his eyes riveted on the abyss of the ages, gathering himself up for a supreme bound, he leaps forward far beyond the limitations of time and space and soars high in the void, way above mere things, whose inferiority resides in the mere fact of their existence.” Clemenceau went on to accuse Wilson of pursuing exclusively American objectives: “We see him… sitting clown at the future conference table in typical American fashion-before he has been invited…. However, he will have to abandon his idea of reconstructing Europe the way he wants to, for surely the table doesn’t exist that could stand up under the ensuing uproar.”

The same note was sounded by Le Figaro (moderate), with editor Alfred Capus declaring himself “terrified by the enormous distance that separates this dream from reality” ; by Le Rappel (moderate) ; by the Echo de Paris (moderate); and by L’Œuvre (radical). The last-mentioned journal, in an editorial titled “What about Cuba?” enjoined its readers to “please remember that President Wilson is, above all else, a professor of law, and an American teacher. There you have the entire man.” Action Française (nationalist, extreme right) attacked Wilson vigorously. Under the heading, “An American Concept of Future Peace,” Jacques Bainville accused Wilson of a « fundamental lack of realism with respect to European affairs… Peace without victory, conceived by Mr. Wilson as if it were the greatest boon in prospect for humanity, is perhaps the worst error of judgment that a spirit of judicial impartiality has ever led a statesman to make.” Charles Maurras added that perhaps Wilson’s thinking was influenced by ulterior motives: “It is not impossible that Mr. Wilson is abandoning himself to his judicial utopias without any reservations: however, his sense of duty to the state would cause him to restrain himself, if he found that these [utopias] were interfering with his country’s interests… All of this distills a cosy little aroma of Kant and Rousseau that has understandably delighted democratic consciences.”

In the opposite camp, the Socialists eagerly endorsed Wilson’s “peace without victory” concept. With its membership dwindled to a mere 28,000 active participants, the Socialist Party was further divided into a “majority” group which backed the “Holy Union” and Socialist participation in the wartime coalition government; a “minority” group which clamored for the overthrow of the incumbent socialist ministers ; and a third “Zimmerwaldian” group which was internationalistic, favorable to Lenin, and against the “bourgeois war.” The idea of “peace without victory” furnished the basis for an agreement among the warring Socialist factions. On March 5, 1917 the socialists’ National Council adopted a motion sponsored by Edgar Milhaud, a member of the “majority”, containing the following statement: “In unison with Mr. Wilson, we proclaim that the only equilibrium that can guarantee the peace is an equilibrium of consciences.” The party was almost unanimously in favor of the Wilson Plan, which had pleaded that “Germany must not be erased from the book of nations.” “Thus for the first time, uttered by a chief of state, has come the clearly stated word that could derive conclusions of both humanity and civilization from the dire conflict,” declared Louis Dubreuilh in L’Humanité.

Wilson’s Diplomacy: An International Symposium, Cambridge, Massachusetts, Schenkman Publishing Company, 1973, pp. 19-44 (extrait).