Amendement Wallon et amendement Vallon

L’amendement Wallon est adopté par l’Assemblée nationale le 30 janvier 1875, l’amendement Vallon par une assemblée du même nom le 12 mai 1965. Le premier appartient à l’histoire de la IIIe République, le second à celle de la Ve. Œuvre d’Henri Wallon (1812-1904), historien et député du centre droit, l’amendement du 30 janvier 1875 se rapporte à la loi constitutionnelle du 25 février 1875 sur l’organisation des pouvoirs publics. Il introduit dans la loi la fonction de président de la République sans l’associer à la personne de son titulaire et décide donc de la nature du régime. Œuvre de Louis Vallon (1901-1981), gaulliste de gauche et rapporteur général de la commission des Finances, l’amendement du 12 mai 1965 se rapporte à la loi du 12 juillet 1965 modifiant l’imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers. Il vise à inscrire dans la législation les principes d’association et de participation.

30 janvier 1875. — Amendement Wallon

Le texte de l’amendement Wallon

12 mai 1965. — Amendement Vallon

Le texte de l’amendement Vallon

Le dessin d’André Gill dans L’Éclipse


30 janvier 1875. — Amendement Wallon

Proclamée à l’Hôtel de Ville le 4 septembre 1870, la IIIe République reste provisoire à ses débuts. L’Assemblée nationale élue le 8 février 1871 est en majorité conservatrice, hostile à la République, favorable à la monarchie. Nommé chef du chef du pouvoir exécutif de la République française par un décret de l’Assemblée du 17 février 1871, Thiers reçoit le titre de président de la République, par la loi Rivet, le 31 août. Rallié à la République, pourvu qu’elle soit conservatrice, le président est désavoué par l’Assemblée le 24 mai 1873. Son successeur, Mac Mahon, est un maréchal de sentiment légitimiste. Par la loi du 20 novembre 1873, l’Assemblée fixe à sept ans la durée des pouvoirs du président élu et décide de nommer une commission de trente membres chargée de préparer un projet de Constitution. La discussion s’ouvre devant l’Assemblée le 21 janvier 1875 et aboutit à l’adoption de deux lois constitutionnelles, sur l’organisation du Sénat et sur l’organisation des pouvoirs publics, les 24 et 25 février. Après le rejet le 29 janvier d’un amendement du centre gauche, défendu par le député de la Seine Laboulaye, c’est l’amendement Wallon qui fonde la République, le lendemain, à une voix de majorité.


Séance du vendredi 29 janvier 1875

Déposé le 29 janvier 1875, après le rejet d’un amendement du centre gauche qui définissait clairement le « gouvernement de la République » — amendement Laboulaye —, l’amendement Wallon est renvoyé pour examen à la commission des Trente sur la demande du rapporteur.

M. le président. — M. Wallon a proposé un article additionnel destiné à prendre place dans le projet de loi, après l’article 1er.

Un membre à l’extrême gauche. — Qu’il le retire !

Sur plusieurs bancs à gauche. — Non ! non !

M. le président. — Je donne lecture de l’article additionnel proposé par M. Wallon :

« Le président de la République est élu à la pluralité des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale.

« Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. »

La parole est à M. Wallon.

M. le rapporteur. — Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Antonin Lefèvre-Pontalis. — Laissez parler M. Wallon ; il a le droit de développer son amendement.

M. le président. — Permettez-moi de diriger la discussion.

M. le rapporteur demande la parole pour un rappel au règlement ; je la lui donne.

M. le rapporteur. — L’article 67 du règlement porte :

« Tout amendement proposé pendant la 2e délibération est renvoyé de droit à l’examen de la commission, si le rapporteur le demande. »

J’ai l’honneur de demander le renvoi à la commission de l’amendement de M. Wallon. (Réclamations sur plusieurs bancs à gauche.)

M. le président. — Le renvoi étant réclamé par le rapporteur, il est de droit.

La commission pourra présenter son rapport demain.

« Séance du vendredi 29 janvier 1875 », Chambre des députés, Journal officiel de la République française, 30 janvier 1875, p. 798.


Séance du vendredi 30 janvier 1875

Le lendemain 30 janvier, à l’ouverture de la séance, le rapporteur annonce à l’Assemblée que la commission des Trente repousse l’amendement Wallon, sans en donner les raisons. Dans sa réponse, Henri Wallon explique que son texte n’ébranle pas la loi qui fixe à sept ans les pouvoirs de Mac Mahon — loi du septennat du 20 novembre 1873 —, mais qu’il la consolide.

Loin d’ébranler la loi du 20 novembre 1873, mon amendement a, au contraire, pour but de la compléter et de l’affermir.

Qu’a voulu la loi du 20 novembre ? Elle a voulu donner la stabilité au pouvoir, et la sécurité au pays.

La sécurité du pays !… Cette sécurité sera complète, sans doute, tant que le pays aura à sa tête le loyal et vaillant maréchal duc de Magenta… (Légères rumeurs sur quelques bancs à gauche) ; mais pour que cette sécurité dure, il ne faut pas dire que le régime que vous avez établi ne durera que sept ans, comme l’a dit la commission. Sept ans de sécurité pour le pays, c’est beaucoup sans doute ; mais quand vous dites que cela ne durera que sept ans, il semble que ce ne soit plus rien ; quand vous marquez un terme, il semble qu’on y touche. (Approbation à gauche).

M. le marquis de Franclieu. — C’est pour cela que la royauté est indispensable !

M. le général baron de Chabaud La Tour, ministre de l’intérieur. — Alors, c’est la République définitive que vous voulez ! Dites-le franchement !

M. Henri Wallon. — Dire que le provisoire durera sept ans, ce n’est pas faire cesser le malaise, c’est le faire durer. (Nouvelle approbation à gauche.)

M. le ministre de l’intérieur. — M. Laboulaye nous a dit tout cela précisément en développant son amendement.

M. Henri Wallon. — Je ne parle pas de la trêve des partis, qu’on s’était proposée aussi par la loi du 20 novembre ; l’honorable M. de Carayon La Tour et l’honorable M. Laboulaye vous ont dit suffisamment ce que c’était. C’est une lutte. J’ajoute que c’est une lutte dans laquelle le parti conservateur, s’il continuait de rester dans la position qu’il a prise, serait infailliblement vaincu. (Approbation sur divers bancs.)

Ici, messieurs, j’appellerai particulièrement l’attention de ce grand parti avec lequel, quoique n’appartenant précisément à aucun groupe — et c’est peut-être une faute —, je suis cependant heureux de voter le plus habituellement ; je veux parler du parti conservateur.

Le projet de la commission, c’est l’organisation du provisoire ; eh bien, le pays est las du provisoire. (Très bien ! très bien ! à gauche.)

M. le ministre de l’intérieur. — Si vous voulez voter la République définitive, dites-le !

M. de Staplande. — Dites ce qu’a dit M. Laboulaye !

M. Henri Wallon. — Cela était affirmé par tous les journaux conservateurs au mois d’octobre de l’année dernière. Le langage a pu changer, mais le fait reste le même. C’est un cri général, et le parti conservateur en sera rendu responsable. Dès à présent, cela est visible par les élections. Qu’est-ce qui triomphe dans les élections ? La République ou l’Empire ? Si le provisoire est maintenu jusqu’en 1880, on n’en sortira que par une de ces deux issues, la République faite sans vous et contre vous… (Interruptions sur plusieurs bancs à droite.)

M. le président. — Veuillez permettre à l’orateur d’exprimer sa pensée.

M. Henri Wallon. — … la République faite sans vous et contre vous ou l’empire, c’est-à-dire la ruine de vos espérances, et j’ajoute la ruine du pays. (Très bien ! très bien ! à droite.) Car l’empire, on vous l’a dit éloquemment hier, et on n’y a pas répondu, l’Empire c’est la guerre… (Mouvement sur plusieurs bancs à droite.)

M. Galloni d’Istria. — C’est la guerre aux républicains ! (Rires sur plusieurs bancs à droite.)

M. Henri Wallon. — Oui ! l’Empire, c’est la guerre. Le premier empire est né de la guerre, a vécu par la guerre, et est tombé par la guerre. Il est né, il a vécu et il est tombé glorieusement.

Le second empire avait dit : L’Empire, c’est la paix ! Mais comme il ne s’était établi qu’en violant son serment, il n’a pas tenu davantage sa parole. (Très bien ! Bravos à gauche.) Il a troublé l’Europe pour faire diversion aux questions intérieures ; il a maudit les traités de 1815 et il est arrivé à faire établir autour de nous des frontières tout autrement menaçantes. (Approbation à gauche.) Il est tombé par la guerre et je ne veux pas rappeler dans quels désastres.

Quant au troisième empire, s’il y avait un troisième empire, il se présenterait assurément avec un langage tout pacifique et, j’ajoute, avec des intentions pacifiques ; mais il ne serait pas plutôt établi qu’il verrait se dresser devant lui l’opposition qui lui crierait : Qu’as-tu fait de l’Alsace et de la Lorraine ? (Bravos à gauche.) Devant ce spectre de nos provinces mutilées et pour échapper à ce cri vengeur, il se jetterait follement dans la revanche, et il consommerait la ruine de la France. (Très bien ! très bien ! à gauche.)

Je n’ai parlé qu’au point de vue de l’intérêt du parti conservateur, mais il y a une considération plus haute, c’est l’intérêt de la France même qui veut savoir sous quel régime elle doit vivre ; c’est notre intérêt aussi comme représentation nationale.

Nous sommes des constituants, nous avons promis de ne point nous séparer sans donner une constitution à la France. Quel est le propre d’une constitution ? C’est, que plus on avance, plus la confiance s’accroît par le fait même de sa durée. Ici, au contraire, à mesure même qu’on avancerait, la confiance irait diminuant, car à mesure qu’on avancerait on approcherait du terme où tout serait remis en question, où les pouvoirs du Président de la République cesseraient, et où on ne saurait ce que deviendrait la Constitution de la France. (Assentiment à gauche.) Il faut donc sortir du provisoire. Mais comment ?

Je ne connais, messieurs, que trois formes de gouvernement : la monarchie, la république, l’empire. L’empire, personne n’a osé vous proposer de le voter. La monarchie ! nous avons entendu, à part des personnalités regrettables, les nobles et dignes paroles de l’honorable M. de Carayon La Tour exposant, avec une forte et vive éloquence, les grands titres de la monarchie dans le passé, et ceux qu’elle pourrait avoir encore dans l’avenir. Je n’y contredis point ; mais, je le demande, la monarchie est-elle possible ?

« Séance du samedi 30 janvier 1875 », Chambre des députés, Journal officiel de la République française, 31 janvier 1875, p. 828.

[…]

Pour répondre à une objection du rapporteur sur l’emploi du mot « pluralité » — le plus grand nombre —, non pas du mot « majorité », Henri Wallon accepte une correction du texte au cours de la séance.

M. Henri Wallon. — M. le rapporteur a commencé par critiquer une expression de mon amendement, et il a pensé que par cette expression je voulais introduire un mode d’élection autre que celui qui est ordinairement pratiqué.

Je m’empresse de le désabuser.

Je me suis servi du mot « pluralité » parce que je l’ai cru plus français. Si le mot « majorité » est plus politique, je l’accepte. (Très bien ! au centre gauche.)

Je substitue le mot « majorité » au mot « pluralité ».

Un membre. — À la majorité absolue.

M. Henri Wallon. — Oui !

« Séance du samedi 30 janvier 1875 », Chambre des députés, Journal officiel de la République française, 31 janvier 1875, pp. 833-834.

[…]

M. le président. — Je donne de nouveau lecture de l’amendement de M. Wallon, avec la modification que M. Wallon y a apportée et qu’il a indiquée à la tribune :

« Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés, réunis en Assemblée nationale.

Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. »

[…]

Le vote intervient en fin de séance, après le rejet d’une addition à l’amendement, défendue par un député du centre droit, Albert Desjardins, et destinée à restreindre la portée de l’amendement Wallon.

Il va être procédé au scrutin.

(Le scrutin est ouvert, les bulletins sont recueillis, puis MM. les secrétaires procèdent au dépouillement des votes.)

M. le président. — MM. les secrétaires m’informent que le nombre des bulletins blancs et le nombre des bulletins bleus paraissant ne devoir présenter qu’un faible écart, il va être nécessaire de procéder au pointage des votes; en conséquence…

(À ce moment, un membre s’approche du bureau de MM. les secrétaires, à gauche, et dépose son vote dans l’une des corbeilles où s’opère le triage des bulletins, suivant leur couleur.)

Quelques membres. — Le scrutin est fermé ; les secrétaires ne peuvent plus recevoir de bulletins.

M. Casimir Perier. — La clôture du scrutin n’a pas été prononcée. On reçoit tous les jours des bulletins de vote en l’état actuel de l’opération du scrutin. Moi-même, j’ai vingt fois voté dans les corbeilles, après qu’on y avait versé les bulletins recueillis par les huissiers dans la salle.

Sur divers bancs. — Oui ! oui ! — C’est vrai !

Sur d’autres bancs. — Le scrutin est fermé !

On ne peut plus voter ! (Agitation.)

[…]

M. le président. — Le scrutin est fermé.

Les bulletins vont être transportés dans une salle des procès-verbaux, où il sera procédé immédiatement à l’opération du pointage.

Maintenant, MM. les secrétaires ne doivent plus recevoir aucun bulletin.

La séance va être suspendue pendant une demi-heure.

(La séance, suspendue à six heures, est reprise à six heures quarante-cinq minutes.)

M. le président. — Voici le résultat du dépouillement du scrutin, vérifié par MM. les secrétaires :

Nombre des votants… 705

Majorité absolue… 353

Pour l’adoption… 353

Contre… 352

L’Assemblée nationale a adopté. (Mouvements.)

« Séance du samedi 30 janvier 1875 », Chambre des députés, Journal officiel de la République française, 31 janvier 1875, p. 836.

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12 mai 1965. — Amendement Vallon

Introduites par de Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale, les idées de participation — des salariés au capital de l’entreprise — ou d’association — du capital et du travail — apporteraient une réponse à la « crise de la civilisation » décrite dans le discours d’Oxford (3 décembre 1941) : « rien n’empêchera la menace de renaître plus redoutable que jamais, rien ne garantira la paix, rien ne sauvera l’ordre du monde, si le parti de la libération, au milieu de l’évolution imposée aux sociétés par le progrès mécanique moderne, ne parvient pas à construire un ordre tel que la liberté, la sécurité, la dignité de chacun y soient exaltées et garanties, au point de lui paraître plus désirables que n’importe quels avantages offerts par son effacement ». Le mot « participation » est précisément employé dans le discours prononcé à Alger à la séance inaugurale de l’Assemblée consultative provisoire (3 novembre 1943) : la France « veut que cesse un régime économique dans lequel les grandes sources de la richesse nationale échappaient à la nation, où les activités principales de la production et de la répartition se dérobaient à son contrôle, où la conduite des entreprises excluait la participation des organisations de travailleurs et de techniciens dont, cependant, elle dépendait. » Sous le nom d’association, les mêmes idées forment dans l’après-guerre la doctrine sociale du RPF, ouvrant une troisième voie entre le strict libéralisme économique et le socialisme de type stalinien. Le mot « participation » l’emporte en revanche dans les années 1960.


Séance du mardi 11 mai 1965

La discussion est ouverte le 11 mai par un discours de Louis Vallon, rapporteur général de la commission des Finances : « L’arbitraire est détestable partout, mais il est intolérable dans les impôts. »

M. le président. — L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi modifiant l’imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers (nos 1309, 1349)

La parole est à M. Louis Vallon, rapporteur général de la commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan.(Applaudissements sur les bancs de l’UNR-UDT.)

M. Louis Vallon, rapporteur général. — Mesdames, messieurs, devant les courageux députés ici présents(Sourires),je voudrais rappeler ce que disait Adolphe Thiers, alors président de la République, de cette tribune même, à l’Assemblée nationale, le 25 juin 1872 : « L’arbitraire est détestable partout, mais il est intolérable dans les impôts. »

Que dirait-il aujourd’hui s’il constatait l’état de notre fiscalité qui s’est enfoncée, il faut bien le reconnaître, dans un labyrinthe de discriminations parfois contradictoires ? Il faut donc en sortir et le projet fiscal qui nous est soumis — il concerne l’imposition des sociétés et celle des dividendes distribués — voudrait — et je suis persuadé qu’il y réussira dans une certaine mesure — favoriser le développement de notre activité générale en réduisant certains obstacles à la division du travail, en développant la circulation des biens utiles à la production, sans pour cela accorder des avantages excessifs à ceux qui détiennent actuellement ces biens.

[…]

Mesdames, messieurs, j’appelle également votre attention, dans cet exposé succinct, sur l’article 34 qui concerne l’attribution d’actions gratuites ou de parts sociales au personnel des entreprises et qui prévoit, en faveur des entreprises qui y procéderont, un allégement de l’impôt sur les sociétés. Le moment est en effet venu d’associer, dans de meilleures conditions qu’aujourd’hui, les travailleurs des divers ordres aux fruits du développement économique. C’est d’ailleurs ce qui ressort de l’exposé des motifs du projet de loi.

Mais la voie fiscale ne permet pas de faire grand-chose. C’est pourquoi la commission des Finances demande, par un amendement, que le Gouvernement dépose avant le 1er mai 1966, c’est-à-dire avant un an, un projet de loi qui définisse les modalités selon lesquelles les droits des salariés sur l’accroissement des valeurs d’actif dû à l’autofinancement seront reconnus et garantis.

Nous devrons donc, en attendant ce dépôt, nous contenter de l’article 34 tel qu’il est. Mais celui-ci est mieux que rien et il a même des résonances psychologiques certaines puisqu’il inquiète déjà quelques-uns.

Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Assemblée nationale, no 28, 1re séance du mardi 11 mai 1965, pp. 1227-1228.


Séance du mecredi 12 mai 1965

L’amendement est adopté le 12 mai après une intervention du député communiste de Seine-et-Oise Robert Ballanger : « C’est un peu comme le pâté d’alouette… »

M. le rapporteur général a présenté un amendement no 27 qui tend à compléter l’article 34 par le nouveau paragraphe suivant :

« 4. Le Gouvernement déposera avant le 1er mai 1966 un projet de loi définissant les modalités selon lesquelles seront reconnus et garantis les droits des salariés sur l’accroissement des valeurs d’actif des entreprises dû à l’autofinancement. »

La parole est à M. le rapporteur général

M. le rapporteur général. — La commission des Finances, tout en marquant son accord sur la formule proposée par le Gouvernement, considère que la participation des travailleurs à l’autofinancement des entreprises devrait faire l’objet d’une définition plus large. C’est sur ma proposition qu’elle a accepté l’amendement no 27, que j’invite l’Assemblée à adopter.

M. le président. — La parole est à M. Ballanger.

M. Robert Ballanger.— Il semble que le Gouvernement et M. le rapporteur général aient mauvaise conscience. S’agissant d’un texte aussi manifestement destiné à permettre des cadeaux somptueux aux dirigeants de sociétés, ils se sont dit qu’il fallait émettre une sorte de fausse monnaie afin que, sur les quarante-huit articles de ce projet, il en fût un petit qui pût être interprété par les travailleurs comme leur étant favorable.

Mais, emportés par la force de l’habitude, au lieu d’avantager les travailleurs ils ont fait un nouveau cadeau aux employeurs puisque ceux qui, en vertu de cet article, attribueront des actions gratuites à leurs ouvriers bénéficieront d’une réduction d’impôt.

Dans son rapport, M. Vallon a d’ailleurs, d’une manière très pertinente, montré que la fameuse « association capital-travail », dont on parle tant, n’avait pas, jusqu’à présent, recueilli la faveur des entreprises puisque, depuis 1959, seulement 202 d’entre elles, intéressant 104 237 ouvriers, ont appliqué cette formule. Encore M. le rapporteur général est-il muet sur l’importance des sommes ainsi distribuées, ce qui laisse supposer qu’elle est encore beaucoup plus modeste que le nombre des entreprises et des travailleurs concernés.

Il s’agit donc, si l’on me permet cette expression, d’une sorte d’attrape-nigaud contenu dans le texte gouvernemental et d’un cadeau supplémentaire aux sociétés.

Quant à l’amendement de M. Vallon, il tend à obtenir du Gouvernement une promesse dont on ne peut savoir si elle sera tenue. En effet, alors qu’on fait aux sociétés un cadeau tangible de 740 millions en bel et bon argent sonnant et trébuchant, s’agissant des travailleurs on invite le Gouvernement « à déposer avant le 1ner mai 1966 un projet de loi définissant les modalités selon lesquelles seront reconnus et garantis les droits des salariés sur l’accroissement des valeurs d’actif des entreprises dû à l’autofinancement ».

C’est un peu comme le pâté d’alouette — un cheval, une alouette — 740 millions pour les trusts et, pour les travailleurs, l’espoir que d’ici un an un projet de loi leur apportera quelques faveurs.

C’est pourquoi nous ne saurions approuver l’amendement de M. Vallon. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président. — La parole est à M. le rapporteur général.

M. le rapporteur général. — Je ne parlerai pas de pâté d’alouette ! Tout de même, le modeste menu que je propose semble avoir mis en appétit M. Ballanger dont l’argumentation — si l’on peut dire — ne m’a pas entièrement convaincu.

Évidemment, il faut attendre que le Gouvernement, tenant compte du vœu de la commission des Finances — et, je l’espère,de l’Assemblée elle-même — dépose un projet, qui ne sera plus la reprise exacte de celui qui, en effet, n’a pas spécialement réussi en janvier 1959 mais qui sera un texte beaucoup plus précis, définissant rigoureusement les participations aux valeurs d’actif des travailleurs.

Le Gouvernement a un an pour élaborer ce projet. Nous verrons bien qui avait raison, de vous ou de moi.

M. Arthur Ramette. — Nous demandons 99 p. 100 des actions.

M. le rapporteur général. — Nous verrons. Nous ne pouvons pas juger pour le moment. Mais il s’agit moins d’un vœu que d’une demande expresse faite au Gouvernement, et j’espère que M. le ministre des Finances voudra bien prendre un engagement précis dans ce sens.

M. Robert Ballanger. — Tout cela n’est guère sérieux.

M. le président. — Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement de M. le rapporteur général ?

M. le ministre des Finances et des Affaires économiques. — Le Gouvernement, qui s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, accepte le dispositif proposé par M. le rapporteur général.

M. Paul Cermolacce. — Mais il ne prend pas d’engagement.

M. le président. — Je mets aux voix l’amendement no 27

(L’amendement, mis aux voix, est adopté.)

M. le président. — Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’article 34, complété par l’amendement no 27.

(L’article 34, ainsi complété, mis aux voix, est adopté.)

Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Assemblée nationale, no 29, séance du mercredi 12 mai 1965, pp. 1295-1298.

ARCHIVES DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE


Le dessin d’André Gill dans L’Éclipse

M. Wallon, par Gill, L'Éclipse, 6 mars 1875

André Gill, « M. Wallon, par Gill », L’Éclipse, 6 mars 1875.

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