Fondateur et rédacteur en chef de Time (1923), Henry Luce (1898-1967) crée le magazine Life en 1936. Le 17 février 1941, dans un éditorial intitulé « Le siècle américain », il explique que les États-Unis sont déjà dans la guerre. On trouvera ci-dessous le passage dans lequel l’auteur invite Franklin Roosevelt, président des États-Unis (1933) et ancien secrétaire adjoint à la Marine sous Wilson (1913-1920), à renouer avec l’internationalisme wilsonien : « Roosevelt doit réussir là où Wilson avait échoué. »
LIFE — HOLLYWOOD PARTY — FEBRUARY 17, 1941 — 10 CENTS — YEARLY SUBSCRIPTION $4.50 — REG. U.S. PAT. OFF. — Photo : Cobina Wright Jr. à Hollywood (26 janvier 1941).
Le texte en anglais
In 1919 we had a golden opportunity, an opportunity unprecedented in all history, to assume the leadership of the world — a golden opportunity handed to us on the proverbial silver platter. We did not understand that opportunity.
Wilson mishandled it. We rejected it. The opportunity persisted. We bungled it in the 1920’s and in the confusions of the 1930’s we killed it. To lead the world would never have been an easy task. To revive the hope of that lost opportunity makes the task now infinitely harder than it would have been before. Nevertheless, with the help of all of us, Roosevelt must succeed where Wilson failed.
Une traduction du texte
En 1919, nous eûmes une splendide occasion, une occasion sans précédent dans toute l’histoire, de prendre la direction du monde — une splendide occasion qui nous fut offerte sur un plateau d’argent. Nous ne comprîmes pas quelle occasion nous avions là.
Wilson s’y prit mal. Nous la rejetâmes. L’occasion se présenta à nouveau. Nous la manquâmes dans les années 1920 avant de la tuer dans les désordres des années 1930. Conduire le monde n’aurait été une tâche facile à aucun moment de l’histoire. Ranimer l’espérance après avoir manqué l’occasion rend la tâche plus difficile encore. Pourtant, avec l’aide de chacun d’entre nous, Roosevelt doit réussir là où Wilson avait échoué.
Henry Luce, « The American Century », Life Magazine, 17 février 1941, p. 64.
Le numéro de Life dans la bibliothèque numérique Internet Archive :
Le texte est repris dans un recueil d’articles publié en 1962 : Great Reading from Life.
Le recueil dans la bibliothèque numérique Internet Archive
Il fait l’objet d’une publication, dans la revue Diplomatic History, en avril 1999 :
Le texte dans la bibliothèque numérique JSTOR
Le texte sur le site de l’université du Michigan
Woodrow Wilson et Franklin Roosevelt en 1914
La photo est prise à Washington le 14 juin 1914, jour du drapeau, devant le State, War, and Navy Building. Woodrow Wilson est alors président des États-Unis (1913-1921), Franklin Roosevelt (à droite), secrétaire adjoint à la Marine (1913-1920), William Jennings Bryan (en blanc, à gauche), secrétaire d’État (1913-1915).
La photo dans la Library of Congress
Une seconde photo dans la Library of Congress
Note du 28 mai 2019
Le sujet d’histoire-géographie des séries L et ES du baccalauréat donné au Liban, le 27 mai 2019, comporte un passage du texte, dans l’étude critique de seconde partie : des extraits de l’éditorial d’Henry Luce, une affiche du Parti communiste français.
Le siècle américain
Dans la pratique, Franklin Roosevelt a été pendant sept ans un isolationniste intégral. […] Que Franklin Roosevelt ait récemment émergé comme un leader mondial de temps de crise ne doit pas occulter le fait que depuis sept ans sa politique a annihilé la possibilité de voir s’affirmer un leadership américain et une coopération internationale. […]
Sous ses ordres et sous sa direction, nous pouvons rendre l’isolationnisme aussi archaïque que la question de l’esclavage, et nous pouvons faire d’un véritable internationalisme américain une chose aussi naturelle que l’avion ou la radio de nos jours.
En 1919, nous avons eu une occasion en or, une opportunité sans précédent dans toute l’histoire, celle d’assumer un leadership mondial, une occasion qui nous était offerte sur un plateau d’argent. Nous n’avons pas saisi cette opportunité. Wilson l’a mal gérée. Nous l’avons rejetée. L’opportunité a persisté. Nous l’avons ratée dans les années 1920, et dans la confusion des années 1930, nous l’avons tuée.
Conduire le monde n’a sans doute jamais été chose facile. Pour raviver l’espoir de cette opportunité perdue, la tâche sera infiniment plus dure qu’elle ne l’aurait été auparavant. Néanmoins, avec l’aide de nous tous, Roosevelt doit réussir là où Wilson a échoué. […]
C’est à l’Amérique, et à elle seule, de déterminer si un système de libre entreprise, un système économique compatible avec la liberté et le progrès, doit ou ne doit pas prévaloir en ce siècle. […]
Nous devons devenir le bon Samaritain pour le monde entier. C’est le devoir manifeste de ce pays d’entreprendre de nourrir tous les peuples du monde qui, en raison du naufrage mondial de la civilisation, sont affamés et démunis. […] Pour chaque dollar que nous dépensons en armements, nous devrions verser au moins dix cents en faveur d’un gigantesque effort pour nourrir le monde, et le monde saurait que nous nous sommes attelés à cette mission. […]
C’est dans cet esprit que tous nous sommes appelés, chacun dans la mesure de ses capacités et de son horizon le plus large, à donner le jour au premier grand siècle américain.
Les premiers sujets du bac 2019 : Liban-Syrie
Annexes
Sur l’internationalisme wilsonien :
22 janvier 1917. — Discours du président Wilson sur les conditions de la paix
8 janvier 1918. — Les Quatorze Points du président Wilson
Sur la même question, les déclarations du 45e président des États-Unis, le 26 décembre 2018, sur la base aérienne d’Al-Asad, à l’ouest de Bagdad, dans le désert de Syrie :
26 décembre 2018. — Trump en Irak : « On n’est plus les pigeons, les gars ! »